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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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n’était donc pas aussi emplie de la grâce de Dieu qu’elle aimait à le penser. Elle essaya de se mordre la langue, mais échoua.
    « Vous ne l’avez pas arrêtée ? » demanda-t-elle.
    Bors la regarda. Il était homme à ne pas avoir honte de se réjouir à la vue de têtes enflammées volant à travers ciel. Poser une telle question à un tel homme revenait à demander la vérité sous sa forme la plus brutale. Elle se demanda si la rougeur qu’elle sentait sur ses joues était visible.
    Bors dit : « Une telle nouvelle est dure à entendre pour vous. Je comprends. Mais, plus le jour avance, plus nos chances de mourir tous sur ce rocher demeurent excellentes. Qui donc aurait l’esprit assez méchant pour se mettre en travers d’une romance si belle et si improbable ?
    – Je ne me suis pas mise en travers », dit Carla.
    Bors sourit, avec force chaleur. « Et c’est tout à votre honneur. Pour ce que cela vaut, Mattias est grandement déchiré entre vos deux beautés. Et donc, entre vous et moi, le jeu n’est pas terminé. »
    Les anxiétés, l’angoisse, les espoirs qu’elle pensait avoir bannis revinrent en un instant. Elle ne voulait pas entrer en compétition avec Amparo. Elle ne le ferait pas. Et pourtant. Elle voulait Mattias.
    « Vous croyez vraiment qu’il est encore en vie ? dit-elle.
    – Même si je suis le seul à parier, dit Bors, je jouerais mon argent là-dessus. »
    Les canons du château tonnèrent et Bors sauta sur ses pieds pour regarder passer les crânes fumants. Il secoua la tête avec admiration, puis se réinstalla dans le fauteuil et reprit le fil de ses pensées.
    « Mais il faut savoir, dit-il, qu’il y a un revers à cette médaille. Si Mattias et votre garçon sont encore en vie, ils sont aux mains de l’ennemi musulman. »

JEUDI 5 JUILLET 1565
    Le front de mer – La porte de Kalkara –
Le vénérable conseil
    AMPARO DORMAIT SUR le front de mer sous les étoiles. Le bruit caressant de la mer l’apaisait. Il l’emportait dans des rêves de la forge de Tannhauser, de ses mains et de ses lèvres sur son corps, et de son souffle sur sa joue, de ses gémissements à son oreille, comme le faisaient aussi la chaleur embaumante de la nuit et le froid de la pierre où elle était allongée.
    Durant la journée, elle s’occupait du jardin de plantes médicinales de Lazaro et elle avait trouvé un endroit où poussaient des roses sauvages. Leurs bourgeons étaient mélangés avec des fleurs de sauge, de myrte et de marrube dans un de ses nombreux et ingénieux baumes. Sinon, elle évitait la société humaine autant qu’elle le pouvait. Elle passait de nombreuses heures à brosser Buraq, elle le montait à cru autour du paddock et calmait ses peurs quand le canon tonnait. En ces jours, la plupart de ses conversations avaient lieu avec le cheval doré de Tannhauser, et elle n’aurait pas pu souhaiter plus gentil et plus adorable compagnon.
    Le déplacement des canons turcs vers les hauteurs de Corradino, l’attaque imminente contre le Borgo et L’Isola, la litanie de mort et de souffrance, les récits de bravoure sans cesse racontés, les intrigues des chevaliers, la perfidie du vice-roi, l’insondable malveillance des Turcs – rien de tout cela ne la concernait. Les gens s’imaginaient que cela comptait et, plus étonnant à ses yeux, que leurs discussions sur ces sujets comptaient aussi, et pourraient même les changer. Elle trouvait leurs bavardages ennuyeux, leurs récitations des malheurs sans intérêt, et leurs tentatives pesantes de l’impliquer dans leurs vies n’étaient que saignées de son énergie et de son moral. Le prix de leur compagnie était trop élevé. Cela n’avait pas de sens de payer pour quelque chose qu’elle ne voulait pas. Les gens la vidaient littéralement. Elle était heureuse de se tenir hors de leur royaume. Sa propre vie intérieure, sa communion avec les roses sauvages, l’affection de Buraq et sa beauté, tout ceci était bien plus irrésistible et lui redonnait de la force. Or les autres voyaient sa solitude comme une maladie, comme s’ils n’avaient pas déjà bien assez de problèmes personnels à gérer. Et donc Amparo restait distante et sans aucun regret. Il en avait toujours été ainsi. Qu’ils la prennent pour une gourde, tant qu’ils la laissaient tranquille.
    Elle s’éveilla au son des rames et s’assit. Une brume couleur de lait reposait sur l’eau, comme éclairée de

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