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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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pas de mener.
     
    CARLA VIT LE tir de barrage et pensa qu’il s’agissait de projectiles incendiaires. En apprenant que les objets volants étaient des têtes humaines, spectacle que dans le cours normal de son existence elle aurait pensé impossible à croire, elle découvrit qu’elle était dégoûtée mais pas surprise.
    La cruauté et le grotesque formaient désormais le cours normal de la vie. Si elle était troublée par cette constatation, c’était parce qu’elle ne s’était jamais sentie aussi profondément satisfaite. La guerre avait concentré son univers à prendre soin des autres et sa vie n’avait jamais eu autant de sens. Ce n’était pas un sens qu’elle pouvait exprimer en mots. Elle était libérée de toute focalisation sur ses propres petites misères ou ses inquiétudes. Elle savait, enfin, que vivre était chose précieuse, plutôt que quelque chose qu’on devait endurer. La colère et l’horreur étaient futiles ; la victoire ou la défaite également. Dans un monde de haine et de malheur, elle se résolvait à ne plus les ressentir. Qu’il en soit ainsi. Jésus était en son cœur et il l’aimait. C’était tout ce qu’elle avait besoin de savoir.
    Elle vit le monstrueux tir d’artillerie en allant de l’infirmerie à l’auberge. Le père Lazaro lui avait prêté des pincettes et un scalpel pour enlever les sutures du visage de Bors. Elle rencontra ce dernier dans la rue où il s’était avancé à l’aveuglette en entendant la nouvelle de cette démonstration. Il eut la chance d’assister à une deuxième volée de têtes – et, à vrai dire, il poussa un grand cri de joie – et, de peur d’en manquer une troisième, il insista pour aller chercher un fauteuil, pour qu’elle puisse accomplir sa tâche dehors. Comme la lumière extérieure était bien meilleure et son travail facile, Carla n’émit aucune objection.
    Les sutures étaient enterrées sous une croûte épaisse qui séparait le visage de Bors en une large diagonale brune. Le chirurgien avait réussi à restaurer une symétrie remarquable dans son visage et, comme il le disait lui-même, Bors n’aurait pas échangé sa cicatrice contre une bague de rubis. En grattant la croûte, elle parvint à couper les boyaux de chèvre, mais les extraire requérait plus de force qu’elle n’osait en utiliser. Après un certain nombre de tentatives infructueuses, Bors dit : « Tirez plus fort. » Elle s’exécuta et le premier point céda. Bors cilla à peine.
    « Cinq nageurs maltais se sont échappés de Saint-Elme hier, dit-il. Ils ont été témoins des derniers moments. »
    Carla réussit à extraire le second point de suture. Ses espoirs pour Mattias et Orlandu, comme sa culpabilité qu’ils aient pu perdre la vie à cause de ses manquements à son devoir, étaient enfouis dans un endroit très profond de son cœur, un endroit qu’elle avait choisi de ne pas visiter pour l’instant.
    « J’ai parlé avec trois d’entre eux, poursuivit Bors, un peu chagriné qu’elle ne montre pas plus de curiosité. Personne n’a aucune nouvelle de Mattias ni de votre garçon. Mais personne ne les a vus mourir non plus.
    – Il y a donc de l’espoir, lui accorda-t-elle. Et nous devons prier pour qu’ils aient tenu.
    – Si un homme peut se sortir d’un tel bain de sang, c’est bien Mattias. C’est un vrai renard. Mais la fille l’a très mal supporté », dit Bors.
    Carla acquiesça. Amparo était comme dévastée. Par certains côtés, elle était redevenue la créature sauvage et violentée que Carla avait rencontrée dans la forêt, repliée sur elle-même, changeante, perdue pour Dieu. Carla avait persuadé Lazaro de laisser Amparo travailler dans son jardin de simples. Elle espérait persuader Amparo de le faire.
    « Vous saviez qu’elle lui avait rendu visite ? dit Bors. Aïe ! »
    Un filet de sang courut sur sa joue quand le scalpel glissa des mains de Carla. Elle dit : « Amparo est allée à Saint-Elme ?
    – Elle a nagé de nuit à travers la baie, nue comme au premier jour, dit Bors. Et je dois admettre que, de tous les événements extraordinaires que j’ai vus depuis mon arrivée ici, c’est de loin le plus agréable. »
    Carla imagina Mattias et Amparo faisant l’amour. Son ventre se serra, malgré ses hautes intentions. Et comme pour nourrir davantage le serpent de la jalousie, son pelvis se contracta de désir et elle sentit ses joues brûler au rouge. Elle

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