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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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débordait, on avait la sensation que l’horloge de la civilisation tournait à l’envers. Oui, et le vieux Stromboli avait été un merveilleux cuisinier.
    Les têtes des chevaliers furent rassemblées et plantées sur des pieux sur les murs donnant vers la mer, où les guetteurs de Saint-Ange pourraient les voir. La bannière de Saint-Jean fut amenée, foulée dans la poussière et arrosée d’urine, et le drapeau du sultan fut hissé sur la drisse à sa place. Tout était dit.
    Malgré la chaleur du jour, Tannhauser frissonnait et il ramena sa cape autour de ses épaules. Sa fièvre ne faisait plus aucun doute et grandissait en lui. La blessure de son dos était comme un homard bouillant qui grimpait sous sa peau. Son sang était empoisonné. Un bandeau de pulsations fébriles enserrait son crâne. Il lui vint à l’esprit qu’il avait peut-être échappé à une fin glorieuse pour pourrir misérablement sur une paillasse souillée et mourir de la gangrène. Il sortit sa dernière boulette d’opium de sa botte et la fit descendre avec de l’eau tiède. Il s’en remit au destin. Et alors le destin passa, à cheval, les portes de Saint-Elme pour l’accueillir.
    « Ibrahim ? »
    Tannhauser releva la tête et ce mouvement fit tournoyer le ciel au-dessus de lui. Le soleil brillait au ras du rempart, aveuglant sa vision, et la sueur lui piquait les yeux. Il repoussa l’obscurité soudaine qui envahissait son crâne et s’essuya le visage. Il leva la main pour se protéger, cligna des yeux et vit un groupe de cavaliers arborant la bannière du Sari Bayrak, la plus ancienne cavalerie du sultan. Il se leva, chancela et se rassit. Une silhouette descendit de cheval et un visage se pencha vers lui. Un visage tanné, austère et marqué par les décennies écoulées depuis la dernière fois qu’il l’avait vu. Mais les yeux n’avaient pas changé dans leur pureté et la compassion les habitait encore. Une main se tendit et écarta les cheveux qui couvraient le visage de Tannhauser.
    « C’est toi, dit Abbas bin Murad.
    – Père », murmura Tannhauser.
    Il se releva, partit en vrille vers le sol et fut rattrapé par le bras d’Abbas. Il entendit Abbas donner des ordres. Il essaya de parler, échoua et de fortes mains le soulevèrent pour le mettre en selle. Il serra les cuisses pour se maintenir. Il releva la tête, à la recherche d’Abbas. Mais à la place d’Abbas, il aperçut autre chose, comme dans un rêve. Il vit un groupe d’Algériens qui émergeaient de la poterne menant au quai. L’un d’eux tenait une corde. Et l’autre bout de la corde était noué autour du cou d’Orlandu. Tannhauser le regarda, puis le désigna, tournant la tête pour trouver son sauveur.
    Abbas apparut, à cheval, à côté de lui, et posa une main ferme sur son épaule. « Tu es malade », dit Abbas. Son expression était grave. « Tu vas venir avec moi.
    – Le garçon, dit Tannhauser, là-bas… »
    Abbas ignora son délire et ordonna à deux de ses hommes de l’emmener jusqu’à sa tente. Tannhauser se tourna sur sa selle et regarda tout autour de lui. Contrairement à ses espoirs, Orlandu n’était pas une vision produite par l’opium ou sa fièvre. Le garçon était bien là, du sang plein les yeux, et tenu en laisse comme un chien par ces corsaires. Tannhauser le désigna à nouveau de la main et faillit dégringoler de sa selle. Abbas saisit son bras. Tannhauser chercha à tâtons dans le brouillard de sa pyrexie un stratagème qui pourrait marcher. Il n’en trouva aucun. Le brouillard s’épaissit et sa vision se teinta de rouge. Il s’accrocha à la crinière du cheval.
    Il dit : « J’avais soif et ce garçon m’a donné de l’eau. »
    Puis le soleil s’éteignit et tout devint noir et vide.

DIMANCHE 24 JUIN 1565 – LA FÊTE DE SAINT-JEAN
LE BAPTISTE
    Le château Saint-Ange – L’auberge d’Angleterre
    OLIVER STARKEY PRIAIT pour La Valette, et pour sa propre âme, désormais contaminée. Tout cela à cause de l’amas chevelu et coagulé empilé près du cavalier de Saint-Ange. Et pendant sa prière même, plusieurs autres têtes coupées – des têtes humaines – furent déversées de sacs de toile sanguinolents sur le toit, comme la récolte d’une moisson obscène. Les lèvres des massacrés étaient bleues et tirées, révélant leurs dents en un rictus d’agonie. Les blancs d’yeux sans vie se bombaient, secs et sans éclat sous le

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