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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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l’intérieur par une lune de cire. Elle aperçut de longues barques qui glissaient à travers ces vapeurs, l’une après l’autre, se dirigeant vers la crique de Kalkara. Une douzaine au moins et toutes apparemment vides hormis leurs squelettiques équipages de rameurs. Elles glissaient à travers l’obscurité nébuleuse avec une urgence silencieuse, leurs rameurs désincarnés, sans visages et muets, comme des trafiquants de vide qui auraient fait passer personne vers nulle part. Puis la dernière chaloupe fit le tour de la pointe, se fondit dans la brume et toute trace de leur passage disparut.
    Parties, ne laissant pas plus d’empreinte en ce monde qu’elle-même n’en laisserait, songea-t-elle, et cette pensée lui apporta un réconfort. Il n’y avait que dans d’autres mondes que les choses duraient pour toujours. Sa dernière nuit avec Tannhauser appartenait à un tel monde. Elle était, puis elle n’était plus, et pourtant elle existerait toujours. Seuls les instants de beauté goûtaient à l’immortalité. Tout le reste combiné, toutes ces vanités grandioses pour lesquelles tant peinaient et mouraient ne pouvaient même pas revendiquer la magie d’un songe éveillé. Elle se rallongea sur le roc, toutes barques oubliées. Elle fixa le fourmillement du firmament. Est-ce que les étoiles et leurs cours allaient aussi disparaître un jour ? Elle demanderait à Tannhauser, la prochaine fois qu’ils se rencontreraient, car, malgré les perspectives lugubres, elle savait qu’ils se retrouveraient. D’une manière ou d’une autre. Quelque part.
     
    BORS S’ÉTAIT PORTÉ volontaire pour la garde de nuit à la porte de Kalkara. Depuis les réprimandes sans pitié de la comtesse pour son indulgence envers un excès dont il convenait, il avait renoncé au secours de l’opium et le sommeil l’avait entièrement déserté. Même le brandy à pleine bouteille s’avérait un piètre substitut. Et cela tendait à démontrer que si la vertu était rarement source de sa propre récompense, elle en apportait parfois d’autres, car s’il avait été allongé, hébété dans son lit, il aurait manqué le plus récent détour de ce conte remarquable.
    Un vent chaud et humide avait poussé jusqu’ici une brume venue de Tunisie et la première chose qu’il apprit de l’excitation qui traversait la nuit, c’était qu’un convoi de chaloupes clairsemées s’avançaient dans la crique et avaient soudain viré pour le rivage opposé, qui n’était qu’à quelque six cents pieds de l’autre côté de la baie de Kalkara, mais dans un linceul de brume.
    Ensuite, une petite troupe portant des torches descendit les rues et à leur tête marchait La Valette. Bors vérifia l’amorce de son mousquet et souffla sur le charbon pour le raviver. La porte de sortie en contrebas grinça en s’ouvrant et il vit le groupe sortir et se diriger vers le rivage. Starkey, Romegas, Del Monte et une pelletée de sous-fifres. Comme si le pape, lui-même, était attendu dans la minute.
    Alors les longues barques émergèrent de la brume et, comme revenant de quelque monde infernal au-delà du voile de celui-ci, elles s’avérèrent pleines à ras bord d’hommes en armes et en armures. Par centaines. Tandis que chaque groupe de fantômes débarquait, leur chaloupe repartait vers l’autre côté de la crique et revenait avec d’autres hommes encore et leurs bagages. Les troupes fraîches se répandaient dans le Borgo par la porte de Kalkara.
    Bors se glissa au bas des escaliers et aborda l’un des nouveaux arrivants qui passait. Un  extrameño nommé Gomez. Quatre galères envoyées par Garcia de Toledo avaient fait voile depuis Messine et débarqué quelques jours auparavant ce précieux renfort, commandé par Melchior de Robles, sur la côte nord-ouest de Malte. Ils s’étaient rassemblés à Mdina et avaient envoyé un messager à La Valette, puis, profitant du hasard heureux de cette brume d’été, ils avaient progressé sous son couvert jusqu’au Borgo, se faufilant au sud du campement turc, avant de passer les pentes du mont San Salvatore pour atteindre l’autre rive de la baie de Kalkara. Tous gens audacieux, ils étaient quarante-deux chevaliers de l’ordre, vingt gentilshommes aventuriers italiens, plus trois Allemands et deux Anglais de même acabit, cinquante artilleurs expérimentés et six cents hommes de l’infanterie impériale espagnole. C’était plutôt loin des vingt mille hommes

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