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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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gravats, d’empilements de pierres, et d’où dépassaient encore quelques murs démolis. Des trous et des fractures balafraient la maçonnerie de San Lorenzo, l’Infirmerie sacrée, l’arsenal et le palais de justice. Des rues entières avaient été réduites en tas de pierres. Des boulets de fer ou de pierre jonchaient les ruines. D’innombrables maisons sans toiture s’ouvraient sur le ciel. Le château Saint-Ange dominait tout cela comme le trône d’un royaume vaincu, et, en dehors d’une poignée de feux de veille, rien ne remuait dans cette vaste désolation, comme si l’endroit avait été saccagé et abandonné à l’aube de l’histoire et que ses habitants n’avaient été que des sauvages vêtus de peaux de bêtes.
    « Les femmes, dit Tannhauser, Carla, Amparo… Elles sont en vie ?
    – Elles vont à peu près bien, répondit Bors, du moins dans leurs corps.
    – Et en dehors de ça ?
    – Peu nombreux sont ceux qui n’ont pas le cœur totalement brisé dans ce patelin plongé dans les ténèbres. Même moi j’ai des moments d’abattement, mais je n’échangerais pas ça contre un palais sur le Lido. »
    Les yeux de Tannhauser cherchèrent l’auberge d’Angleterre sur la rue Majistral. C’était l’un des rares bâtiments à ne pas paraître endommagé. Bors surprit son regard et comme Tannhauser commençait à redescendre l’escalier, il dit : « Les femmes ne vivent plus à l’auberge. »
    Tannhauser s’arrêta et se retourna vers lui.
    « Carla a déménagé avec ses affaires, cela fait presque une semaine. Partie comme si elle pensait que l’endroit était hanté, mais sans vouloir expliquer pourquoi. Elle dit qu’elle a un lit de camp à l’infirmerie, où elle peut dormir quand elle veut et être toujours disponible pour les blessés.
    – Et Amparo ?
    – Amparo vit dans les écuries, sur la paille, avec Buraq. Ne t’inquiète pas. J’ai gardé un œil dessus. Sur les deux femmes, je veux dire, et sur le cheval aussi. » Voyant que Tannhauser fronçait les sourcils, il haussa les épaules. « Ce sont deux entêtées. Que pouvais-je faire d’autre ? »
    Quand ils atteignirent le bas de l’escalier, le page de La Valette, Andreas, qui avait survécu à une balle en pleine gorge le premier jour du siège, les informa que Gullu Cakie avait remis ses messages au grand maître, qui attendait maintenant un rapport immédiat de Tannhauser sur la situation des Turcs. Choquant considérablement le jeune homme, Tannhauser répliqua qu’il n’avait aucun renseignement capable de prolonger la résistance de la ville au-delà de la matinée, et que, avec tous les hommages et les salutations appropriés, le grand maître pouvait attendre jusque-là pour apprendre le peu qu’il savait.
    Tannhauser laissa Andreas planté dans la rue et se dirigea vers l’hôpital. Il le faisait par pur instinct, une lubie qu’il était trop épuisé pour remettre en question, ou pour y résister. Il voulait voir Carla. Il voulait voir ce que dirait son visage quand elle le verrait. Peut-être était-ce à cause du garçon. Il voulait lui dire qu’Orlandu était vivant. Et peut-être était-ce plus que cela.
    Quand ils atteignirent la piazza devant l’Infirmerie sacrée, ils la trouvèrent entièrement couverte de blessés, moisson de la bataille de la veille, étalée en rangées ensanglantées. Ils languissaient sous les étoiles, leurs mutilations brûlées de soleil et leurs membres tronqués emmaillotés dans des couvertures élimées par l’usage et les lavages. Des moines, des chapelains, des Juifs et des Maltaises dispensaient ce qu’ils pouvaient de réconfort à leurs patients et leurs aimés. Après ce que Tannhauser avait vu l’après-midi précédente dans le camp turc, il n’avait aucune raison de s’émouvoir excessivement ; ces hommes, au moins, recevaient un autre secours que les lances et les haches de l’ennemi ; et pourtant, il était très ému, sans bien savoir pourquoi.
    Puis il entendit une lointaine mélodie se frayer un chemin sinueux dans la nuit. Elle était plus estompée encore que celle qu’il avait entendue sur la colline, et il tourna la tête vers Bors pour s’assurer que ce n’était pas une vue de son esprit. Bors fit un mouvement du menton pour désigner la crique des Galères.
    « Elles font de la musique au bord de l’eau.
    – Toutes les deux ?
    – Toutes les nuits depuis que Carla a abandonné

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