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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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désignait le Scorpion. Que voulait-il dire ? Puis Gullu ouvrit la main et la déplaça lentement vers le morceau de lune, maintenant basse au sud-est, et Tannhauser remarqua, avec un certain retard, qu’un nuage gris-bleu faisait la même chose, à une distance considérable. C’était un petit nuage solitaire, et en temps normal Tannhauser n’aurait pas parié un ducat qu’il irait masquer la lune, et assombrir par conséquent le sol en dessous. Au lieu de cela, il allait jouer sa vie dessus. Gullu mima une course effrénée et enfonça l’index dans la poitrine de Tannhauser. Puis le vieux renard hocha la tête en guise de salut et commença à se faufiler entre les rochers en direction des murailles.
    Tannhauser leva les yeux vers le ciel. Maintenant qu’il était seul, le nuage lui paraissait plus petit encore, sa course plus erratique, et la possibilité qu’il puisse le protéger plus mince encore. Il regarda Gullu tracer sa route à découvert. En fait, il se déplaçait plus comme un crabe que comme un serpent, mais aussi promptement que prévu, comme s’il volait en frôlant la terre de ses paumes et ses orteils, s’arrêtant au hasard pour s’aplatir au sol, puis se remettant en mouvement aussi soudainement qu’il s’était arrêté. Même s’il avait été repéré, il aurait eu beaucoup plus l’air d’une créature nocturne que d’un homme.
    Tannhauser regarda à nouveau le nuage. Il semblait avoir à peine bougé, et plus il le fixait, plus il paraissait vraiment statique. Il n’y avait pas un souffle de vent au sol, et là-haut c’était apparemment le cas aussi. Quand il cessa de fixer la clarté relative des cieux pour regarder à nouveau le sol, Gullu Cakie avait disparu.
    Sa solitude était totale. Il n’était armé que de son fusil et sa dague, et ni l’un ni l’autre n’étaient d’un grand réconfort. Il se rendit compte avec stupeur que son flacon de poudre et ses balles étaient dans les sacoches emportées par Gullu. Il cessa de fixer quoi que ce soit d’autre que le nuage, et ce pendant vingt minutes, avant de se convaincre qu’il avançait tout de même. À la vérité, il parut soudain descendre vers la lune à une vitesse considérable, mais tels sont les tours que jouent les cieux. Tannhauser s’accroupit, saisit son fusil et regarda le nuage raser le Sagittaire. Il allait bien couvrir la lune blanche comme glace, mais il passerait vite. Il envisagea de ramper jusqu’à la porte, mais ses coudes et ses genoux étaient à vif et sa poitrine un lit de charbons ardents. Trente secondes d’exposition valaient mieux que dix minutes sur le ventre avec le cul en l’air. Le bord du nuage entama la blancheur, puis la recouvrit, et l’obscurité tomba sur le no man’s land . Tannhauser bondit et se mit à courir.
    Au service du shah Soliman, il avait bien dû courir quinze mille milles – un janissaire passait sa vie à courir – et il n’avait pas perdu la technique, respirant profondément et régulièrement dans l’air putréfié, les coudes au corps, le fusil fermement serré contre sa poitrine. Sa foulée était longue et rapide, le poids porté vers l’avant à la taille, l’épuisement du périple effacé par la perspective de sa fin. Droit devant lui, l’eau de la baie se dessinait, noire comme de l’encre ; sur sa droite, des ombres impénétrables et les lignes turques. Les tirs de mousquets commencèrent au bout de soixante-dix pas, un choc de bruit et de lumière. Il ne ralentit pas, mais commença à zigzaguer. L’une des déflagrations fit étinceler une lame à double courbure et il vit une silhouette qui courait le long du rivage pour lui couper la route devant le saillant de Castille. Tannhauser tira plus de vitesse de ses cuisses. La distance diminuait. Mais une mince bande de lumière argentée s’élargissait sur le sol et se déroulait vers lui car le nuage découvrait peu à peu la lune.
    Le  gazi apparut, ses vêtements sifflant autour de lui et ses lèvres retroussées par l’effort ou peut-être par la rage. Il allait intercepter Tannhauser peu avant le bastion de Castille, et si un coup de mousquet ne l’abattait pas, la lame de son yatagan le ferait. Le fusil que Tannhauser tenait contre sa poitrine était pointé vers la gauche. Il pouvait l’inverser pour tenter un tir de la main gauche, ce qui était embarrassant, ou il pouvait s’arrêter, se tourner et tirer, ce qui allait lui faire perdre son

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