Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
Vom Netzwerk:
Merveilleux. Selon son expérience, les femmes étaient assez promptes à esquiver l’étreinte quand elles le voulaient ; mais malheur à l’homme qui tenterait de faire de même, quelles que soient ses raisons.
    « En Espagne, dit-elle, des hommes combattent des taureaux avec des lances, tu le savais ? »
    La question le prit complètement par surprise, mais guère plus que le fait qu’elle se soit invitée dans son bain. Peut-être était-ce à cause de son état d’érection flagrant.
    « Bien sûr, dit-il, j’ai entendu dire que, à Valladolid, Charles Quint lui-même affrontait des taureaux avec une pique. »
    Une telle pédanterie n’impressionna pas Amparo le moins du monde.
    Elle dit : « Sais-tu par quel moyen ils reconnaissent un taureau de combat ? »
    Ses mains commencèrent à errer sous l’écume. « Non, je l’ignore. Mais j’adorerais le savoir. Dis-moi.
    – Ils rassemblent les taureaux des finca en grandes hordes – cinquante taureaux, cent, une énorme masse d’énormes bêtes – puis les bouviers les font avancer, à coups de fouet, en criant, en les aiguillonnant, jusqu’à ce qu’ils ne forment plus qu’un cœur, un esprit, une âme, une seule et unique créature sauvage qui se précipite en avant, à toute vitesse. Si une gorge se présentait devant eux, ils se jetteraient dedans et mourraient ensemble. Si la mer s’ouvrait devant eux, ils se noieraient ensemble. »
    Malgré d’autres puissantes distractions, Tannhauser se retrouva captivé. Elle s’arrêta et l’observa, jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite qu’il en soit ainsi. Elle continua.
    « Mais de cette grande horde, de cette unique créature sauvage cavalant sur la plaine écarlate du couchant, un seul taureau va enfin se libérer du reste. Un taureau qui ne courra pas avec les autres, sans but, ou vers une gorge, ou vers la mer. Il n’a pas peur des bouviers ni de leurs fouets. Il arrache son cœur, son esprit et son âme de la folle course des autres. Il se sépare d’eux, il court seul, dans une direction de son choix. »
    Tannhauser resta le souffle coupé à la pensée d’une telle vision, d’une telle bête.
    « Magnifique, dit-il, et c’est donc lui, le taureau de combat. »
    Amparo secoua la tête. Elle se pencha plus près et le fixa de ses yeux étincelants de couleurs, et il se rendit compte qu’elle était loin d’être une piètre diseuse d’histoires.
    « Ce pourrait être le taureau de combat, dit-elle. Car les bouviers l’emmènent très loin, loin dans les montagnes, loin de ses frères, loin de tout ce que ce taureau a jamais connu. Là, ils le laissent, seul, perdu dans un nouveau pays étrange, et ils s’en vont. » Elle lança sa main vers un horizon lointain.
    Elle marqua à nouveau une pause, le regardant. Puis elle remua pour s’adosser au bord du fût.
    « Une semaine plus tard, ils reviennent chercher le taureau. S’il est devenu maigre, terne et fou, ou s’il s’enfuit parce qu’il a peur, ou qu’il vient vers eux parce qu’il se sent seul, alors ils le tuent immédiatement avec leurs lances et grillent sa viande pour le souper. » Elle sourit. « Mais s’il est fort, lustré et fier, s’il mange beaucoup d’herbe, qu’il se tient immobile en les regardant, et qu’il renâcle et frappe le sol de colère, comme s’ils avaient pénétré un royaume qui ne leur appartenait pas et qu’ils n’étaient pas bienvenus, alors ils savent. Ils savent que c’est lui , le taureau de combat. »
    Tannhauser ne savait pas s’il allait éclater de rire ou pleurer, pris d’une joie inexprimable. Il avait découvert qu’il adorait cette bête extraordinaire, inconnue et pourtant présente au plus profond de son cœur, surgissant si grande devant lui dans son esprit, comme si, même là, dans un fantasme, le taureau allait pouvoir se baisser, charger et l’éventrer s’il le regardait trop longtemps.
    « C’est une drôle d’histoire, dit-il. Ce taureau a la grandeur d’esprit de ne pas vivre – ni mourir – avec la masse ordinaire. Et pourtant, par cet acte, il se marque lui-même comme celui qui doit être sacrifié par le destin. »
    Amparo tendit la main et lui essuya le coin de l’œil.
    « Cette eau pique », dit-il, confus. Elle sourit comme un chat, et il renifla. « Dis-moi aussi comment ils arrivent à amener ce magnifique animal jusqu’à la plaza de toros  ?
    – Les bouviers ont leurs moyens. Ils disent que

Weitere Kostenlose Bücher