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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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avait l’attention de toute l’assemblée.
    « Et pour en revenir à l’affaire qui nous a amenés ici, j’ai un dernier ordre. Demain, le château Saint-Ange sera évacué, sauf des équipes requises pour alimenter et faire fonctionner les batteries de canons sur son toit. Puis le pont le reliant au Borgo sera détruit. »
    Un silence abasourdi accueillit cet ordre. Même Ludovico souleva un sourcil noir.
    « Il n’y aura pas de retraite, dit La Valette. Que chaque homme comprenne bien, et le Grand Turc aussi, que nous allons combattre et mourir là où nous nous tenons aujourd’hui. »

VENDREDI 31 AOÛT 1565
    Le Borgo – Le mont San Salvatore
    S’IL Y AVAIT UNE QUELCONQUE vertu à être couvert de blessures multiples, fractures et écorchures, elle résidait dans le fait que cet inconfort global détournait l’attention d’une douleur en particulier. Le dernier assaut majeur, le 23 août, avait laissé à Tannhauser deux nouvelles coupures sur la joue gauche, un genou donnant l’impression d’être empli de graviers, un autre doigt cassé, quelques côtes fêlées au-dessus du foie, des entailles brûlées de soleil sur les cuisses qu’il soignait lui-même, et une entorse. Il avait également été deux fois assommé jusqu’à en rester inconscient, et s’était réveillé à moitié noyé dans des mares de saletés humaines dont l’ingrédient le moins épouvantable était du vomi. Pourtant, il se considérait comme fortuné d’en être sorti indemne, car la majorité de ceux qui étaient encore en vie arboraient des blessures et des difformités de dimensions monstrueuses. Malgré cela, l’incapacité à se mouvoir sans douleur le faisait se sentir deux fois plus vieux que son âge. Ayant résisté à la fois à la logique et à l’ardente demande de son corps plus longtemps que l’honneur ne l’exigeait, il avait concocté un lot de pierres d’immortalité et passé toute la semaine précédente dans un état d’indifférence enivrée aux événements apocalyptiques qui se déroulaient autour de lui.
    Les pierres effaçaient aussi les accès de noire mélancolie qui avaient commencé à l’affliger. En de tels moments, il savait qu’il ne reverrait plus jamais Orlandu. La raison lui réaffirmait toujours qu’en le laissant auprès d’Abbas Tannhauser avait fait au mieux. Mais Orlandu lui manquait. Et il était puni d’une étrange peur : qu’il ait condamné le garçon à une vie de verseur de sang.
    Il était loin d’être seul à souffrir de mélancolie et autres maux de tête. Partout dans les restes squelettiques de la ville, il croisait des hommes hagards et mutilés qui murmuraient tout seuls, tout en cherchant un abri dans les gravats, ou qui fixaient le vide, muets, ou encore qui pleuraient sur les ruines de leur famille, leur foyer, leur vie. Les églises ravagées étaient surpeuplées de telles gens et là les lamentations étaient incessantes. Les femmes de la ville semblaient faites d’une trempe plus résistante. Comme la plupart des hommes étaient morts ou blessés et les bataillons d’esclaves réduits – en partie par la violente répression d’une mutinerie – à quelques bandes ahuries de misérables aux yeux fous, les femmes s’épuisaient à reconstruire les murs et à emporter les cadavres vers l’arrière. Elles aussi, pourtant, allaient, décharnées et démoralisées, chercher la nourriture aux magasins et l’eau aux puits – tout en essayant d’imposer l’ordre à leur progéniture en hardes – avec l’apathie des condamnés.
    Quand sonnait l’alarme, des prévôts parcouraient les décombres avec des cordes à nœuds pour aider les traînards à monter au front. Alors que les chevaliers morts recevaient tous les honneurs et les funérailles dus aux martyrs, les cadavres de moindre valeur demeuraient dans les rues, sans sépulture, ou étaient jetés à la mer, car plus personne n’avait la force de les enterrer, et les fosses communes avaient été remplies et recouvertes depuis longtemps. Toute la ville empestait la putréfaction. Des rats cavalaient en plein jour, leurs hordes attirant l’œil à l’improviste, et retournant les estomacs d’un dégoût antédiluvien. Des vautours enhardis colonisaient des sections entières de la cité, battant des ailes et caquetant quand on leur faisait l’offense de les déloger, comme si c’était désormais leur royaume de droit, et les humains d’impudents intrus. Des

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