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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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et couteaux – d’une sauvagerie si noire et si atroce que même le sang de Tannhauser se figeait en en entendant les récits. La demi-douzaine de mines que les Turcs réussirent à faire exploser réduisit finalement l’enceinte à une ligne de chicots de pierre.
    Les chevaliers apportèrent leur propre contribution au chaos quand ils firent sauter le pont qui joignait le Borgo à Saint-Ange. Cet acte excentrique dérouta la garnison pendant plusieurs jours, attribué soit à un accident soit à un sabotage, crime pour lequel les esclaves qui avaient aidé au transport des charges explosives furent noyés dans le canal. Quand il apparut plus tard que la destruction du pont était un stratagème destiné à relever le moral général, la logique consistant à se couper de cette dernière redoute échappa à tout le monde, sauf aux plus sophistiqués, car elle impliquait également qu’on transporte quotidiennement en barque des tonnes de ravitaillement jusqu’au Borgo. Mais les chevaliers, comme chacun le savait, étaient des gens bien étranges, et aucun n’était aussi étrange que le révérend grand maître qui avait donné cet ordre.
    Tannhauser continuait à s’inquiéter du problème de leur fuite jusqu’au bateau qui les attendait à Zonra. Dans les moments sombres, son plan lui paraissait une fantaisie puérile, conçue simplement pour l’empêcher de devenir complètement fou. Bors n’évoquait jamais la question. Carla non plus. Tous deux, il le savait, pensaient que ce plan manquait à l’honneur. Il était normal qu’ils ne le prennent plus au sérieux. Mais ils n’avaient pas vu ce petit bateau racé, comme il l’avait visualisé mille fois, et ils n’avaient pas senti la brise de mer dans leurs cheveux alors qu’ils fuiraient vers l’Italie.
    Le 29, un jeûne collectif avait été décrété pour commémorer la décapitation de Jean le Baptiste. Par contraste, et peut-être en compensation, le vendredi 31 apporta une soirée de festivités qui excéda en abandon tout ce que l’auberge avait pu voir. Comme Bors était maître des cérémonies, elle excéda probablement tout ce que Malte elle-même avait jamais pu voir. L’occasion se fit toute seule, provoquée peut-être par un sens de la prémonition. Ils avaient survécu cent jours dans les mâchoires de l’enfer, et c’était une raison suffisante pour cette frivolité démentielle. Les femmes jouaient. Vin et brandy coulaient à flots. Ballades et chansons résonnaient. Carla essaya une gigue avec Munatones, et ils faisaient un beau couple, et l’envie et le désir poussèrent Tannhauser à s’octroyer un moment avec Amparo dans son bain, et même s’il aimait Amparo plus que jamais, il ne le lui dit pas, et encore une fois il ne savait pas pourquoi. Des pierres d’immortalité furent consommées. Et pourtant, malgré l’avancée de la soirée, et en dépit de telles festivités, Tannhauser n’arrivait pas à oublier ce qui le démangeait, tout au fond de son crâne. Le bateau de Zonra l’appelait.
    Et ainsi, comme minuit approchait, le croissant cireux de la lune ayant depuis longtemps plongé vers l’ouest, Tannhauser, sévèrement imbibé d’opium et de boisson, décida de partir en reconnaissance. Il enfila les habits rouges et les bottes jaunes d’un sergent spahi, dérobés sur un cadavre.
     
    L’ÉBRIÉTÉ DE TANnHAUSER S’AVÉRA une bénédiction. Sans une telle aide narcotique, les trois cents mètres de reptation sur la pente de San Salvatore auraient été bien trop ardus. Il n’aurait pas songé non plus à prendre de fréquents repos, durant lesquels il s’allongeait sur le dos et regardait la course des étoiles, fou d’émerveillement. Au nord, la Grande Ourse était en vol ; Orion chevauchait la queue de la Voie lactée loin à l’est ; le Scorpion disparut derrière l’horizon. Et qui maintenant était le chasseur, et qui était sa proie ? Et quelle importance cela avait-il ? Car toute chose passerait, et, comme l’affirmait Grubenius, les étoiles elles-mêmes finiraient par tomber un jour. La philosophie ajouta son incandescence à celles de l’opium et de l’alcool. Quand il atteignit les lignes turques, sa confiance et sa bonhomie étaient telles que, en quelques minutes, il se retrouva devant l’un de leurs feux de veille, à partager bols de lentilles et pain.
    Ils étaient anatoliens, quatre hommes simples, à peine plus que des garçons, braves et perplexes

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