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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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mélancolique, et Tannhauser se demandait si Orlandu avait réussi à la traverser.
    S’il l’avait fait, alors il avait atteint la baie de Saint-Paul, qui était un endroit à peine moins pathétique. La baie était noire de galères et de vaisseaux de transport, et ses eaux moussaient sous les rames des centaines de chaloupes qui désespéraient de ramener les soldats vers les navires. Les plages grouillaient de milliers d’hommes désorganisés. Sur le tablier de terres plates qui gardait les plages et sur les collines basses qui dominaient la côte sud, une vaillante arrière-garde s’arc-boutait contre la charge chrétienne pour donner du temps à ses camarades. Quelque part le long de cette ligne, au milieu des nuées de fumées de mousquets, Tannhauser reconnut les sanjak i-sherif, et l’étendard de Mustapha au centre. Le vieux général obtus et ses  garibs , les gardiens de la bannière du Prophète, seraient les derniers à embarquer sur les navires. À sa droite se tenaient les janissaires en cotte de mailles du Zirhli Nefer. Les mousquetaires algériens d’Hassem occupaient les tertres. Et à l’extrémité opposée de la ligne, sur la gauche de Mustapha et découpées sur la baie de Salina, flottaient les bannières jaunes des Sari Bayrak. Le régiment de cavalerie d’Abbas.
    « Regarde-les », dit Bors. Le sanglier saxon était en selle, son mousquet de Damas posé en travers des cuisses. Il semblait parler pour les Turcs. « Tant de valeur a été dilapidée sur ce morceau de rocher que c’en est obscène.
    – Aujourd’hui, nous ne sommes pas là pour le Turc, dit Tannhauser.
    – Je sais pour quel sang nous sommes ici », affirma Bors. Il cligna plusieurs fois des yeux, puis regarda au loin, comme s’il se sentait diminué par rapport à l’homme qu’il avait été. Il se retourna lentement vers Tannhauser : « Je lui ai tout dit.
    – J’aurais tout dit aussi », répliqua Tannhauser. Il avait entendu l’histoire de la tête de Sabato Svi. « Mais il n’y a pas de mal, parce que cela lui a donné la corde dont il avait besoin pour se pendre. »
    Bors n’en tira aucun réconfort. Il baissa les yeux vers la vallée sanglante, jusqu’au bouillonnement de violence qui tronquait le bassin. « Où allons-nous le trouver ? »
    Tannhauser se tourna vers Gullu Cakie, qui observait la destruction de la fierté turque avec beaucoup plus d’appétit que ses deux compagnons. Tannhauser pointa son index.
    « Les Bannières jaunes », dit-il. Gullu opina. « Pouvons-nous les atteindre rapidement, sans risquer de nous retrouver sur le front ? Si Orlandu est en bas, c’est là qu’il doit être. »
    Gullu Cakie fit avancer son cheval dans la pente. Tannhauser se tourna vers Bors.
    « C’est là que nous trouverons Ludovico aussi. »
    Bors lança son cheval à la suite de Gullu Cakie.
    « Bors », dit Tannhauser.
    Bors s’arrêta. Tannhauser approcha Buraq tout près de lui. Il dit : « Usque ad finem. »
    Il tendit la main. Bors la prit et la serra.
    Ils suivirent Gullu plein nord en descendant à flanc de crête vers la baie de Salina. Sur leur droite, la mer étincelait, blanche de reflets. Les escadrons de Piyale patrouillaient à ras de la côte. Comme la crête sinuait pour mener à un petit col, qui s’ouvrait sur une pente semée de collines ondulantes, la clameur de la bataille se fit plus proche et des bouffées de poudre brûlée leur piquèrent les yeux. Ils passèrent devant des hommes affichant des blessures hideuses, membres amputés et flèches plantées dans le ventre, qui s’étaient traînés dans les ravines pour mourir. Ils firent halte à quelque deux cents pas de la mêlée et Tannhauser étudia le chaos déchaîné à leurs pieds.
    Un escadron complet de tercios – ils devaient bien être quinze cents – harcelait la ligne turque avec des hallebardes et des lances. Pendant ce temps, cinq  mangas d’ arquebuceros aux lèvres noires, deux cents par groupe et bien protégés par la forteresse de piques, arrachaient des cartouches avec leurs dents, et cherchaient à tâtons des balles dans leurs poches, avant de reprendre le premier rang, pour assurer un tir de salve intermittent qui infligeait un carnage absolu aux malheureux Turcs. Des chevaux sans cavalier et complètement paniqués ruaient et trébuchaient en fuyant le champ de bataille, piétinant des blessés gémissants sous leurs sabots. Aussi loin que

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