La Religion
dit Bors avec dégoût. Il brandit la poire de fer. « On aurait dû la lui enfoncer dans le cul.
– Père Gonzaga », dit Tannhauser.
Gonzaga tournait en rond, ses cuisses nues dégoulinant de saleté marron, et il fixait les bottes de Tannhauser. Ce n’était plus un être humain, mais un sac plein de terreur et de désespoir.
« Il est temps de passer à table, dit Tannhauser, et maintenant que tu es seul, tu n’as plus à avoir peur de tes camarades. »
Gonzaga cligna des yeux d’incompréhension. Bors marcha sur les restes de la tête du capitaine. Pris de nausées, Gonzaga chancela et Bors flanqua une gifle sur son crâne tonsuré.
« Tu entends ça, prêtre ? Seul, et sans ami. »
Tannhauser dit : « Tu as accompli cette atrocité sur ordre de frère Ludovico ? »
Gonzaga opina du chef. « Frère Ludovico. Oui, oh oui. » Il hésita, puis lâcha : « Et crucifier le Juif était un ordre du capitaine, pas de moi. Je suis innocent de cet acte.
– Il parle comme un avocat, dit Sabato.
– Je hais les avocats », fit Bors.
Il saisit la tête de Gonzaga à deux mains et lui enfonça les pouces dans les narines avec une telle violence qu’elles éclatèrent en morceaux. Gonzaga hurla, tortillant sa langue entre ses dents brisées. Bors le lâcha. De la table la plus proche, Tannhauser prit une coupe de vin à moitié bue et la donna au prêtre. Gonzaga la saisit à deux mains. Il attendit.
« Bois », dit Tannhauser. Gonzaga but. « Dis-moi, pourquoi Ludovico s’est-il retourné contre nous ? »
Gonzaga rabaissa la coupe. Des rigoles de sang dégoulinaient de son nez éclaté jusque sur son menton. « Pourquoi ? » Il essayait de rassembler son courage pour répondre. « Pourquoi… parce que… parce que… » Il hésita et se cacha derrière la coupe. D’une gifle, Bors la lui fit tomber des mains. Gonzaga se souilla à nouveau bruyamment. Il joignit des mains implorantes à l’adresse de Tannhauser. Son visage était un portrait de celui pour qui Dieu n’avait désormais plus de sens, et qui ne voulait que vivre à n’importe quel prix. Tannhauser se demandait combien de fois Gonzaga avait lui-même vu un tel portrait, et il ne ressentait aucune pitié.
« Parle librement, dit-il, et n’aie pas peur de nous offenser. »
Bors ricana. Mais Gonzaga se cramponnait au moindre mot de Tannhauser.
« Vous êtes un musulman, dit-il, un hérétique, un anabaptiste, un criminel. Vous vous associez à des Juifs. Vous dédaignez le Saint-Père. » Il désigna les étranges ouvrages posés sur la table de Tannhauser. « Les textes interdits sont étalés ici à la vue de tous.
– Cela ne suffirait pas à Ludovico pour abattre ses cartes. Dis-moi la vraie raison.
– Votre Excellence, Ludovico ne m’a rien dit de plus. » Ses yeux ne quittaient pas Bors. « Rien du tout. Votre impertinence sur les quais me semblait une raison plus que suffisante. »
Bors s’avança. « Laisse-moi lui arracher sa bite décharnée. »
Tannhauser l’arrêta du bras. Gonzaga couvrit ses parties de ses mains en frissonnant. « J’avais ordre de laisser l’affaire entre les mains de la police. »
Bors essayait de passer. « Mais, à la place, tu as eu envie de clouer mon ami à un fauteuil ? »
Gonzaga ferma les yeux.
« Il doit y avoir autre chose, dit Tannhauser. Raconte-moi tout. Tout ce qui s’est dit entre vous. »
Gonzaga luttait pour rassembler ses pensées. « Il y avait une deuxième tâche. Ludovico a ordonné la réclusion d’une noble dame au couvent du Saint-Sépulcre à Santa Croce. »
Même s’il devinait déjà la réponse, Tannhauser demanda : « Quel était le nom de cette femme ?
– Carla de La Penautier, à la villa Saliba. »
Sabato et Bors se tournèrent pour fixer Tannhauser.
« Quand cette tâche devait-elle être accomplie ?
– Elle est déjà accomplie. Ce soir. »
Tannhauser se souvint du prêtre dans le carrosse à la porte. « Par qui ?
– Le qualificateur de notre congrégation sacrée, le père Ambrosio.
– Est-ce que cette créature a une face de rat ? »
Gonzaga minauda. « Oh oui, exactement, Votre Excellence ! »
Tannhauser jeta un regard vers Bors et Bors flanqua un coup de poing dans les reins du prêtre. Gonzaga tomba. Saisissant une de ses oreilles, Tannhauser le remit à genoux.
« Fera-t-on du mal à cette noble dame ? »
Gonzaga luttait pour reprendre son
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