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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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souffle. « Non. Bien au contraire. Ludovico a donné des ordres stricts. »
    Ainsi, le mystérieux moine qui avait défloré la jeune comtesse, et qui l’avait abandonnée en ignorant qu’elle attendait un enfant, n’était autre que Ludovico Ludovici, et Ludovico voulait effacer l’ardoise. C’était l’une des toiles d’araignée les plus embrouillées dans laquelle Tannhauser s’était jamais fait prendre. Mais comment Ludovico avait-il su que Carla avait cherché son aide pour se rendre à Malte ? Par Starkey ? Par inadvertance, peut-être. Mais Gonzaga ne pouvait pas avoir la réponse, et Tannhauser ne le lui demanda pas.
    « Quelles sont les charges relevées contre nous ? demanda Tannhauser.
    – Aucune n’a été préparée. Nous avions ordre de ne rien mettre sur papier. »
    C’était au moins une bonne nouvelle. « Et où est Ludovico maintenant ?
    – Il est parti cette après-midi pour voir le vice-roi. Ensuite, de Palerme, il ira à Rome.
    – Pour quelles affaires ?
    – Je l’ignore. Celles du grand maître La Valette, peut-être. Et les siennes. Toujours les siennes. Il ne m’a jamais rien confié sur de tels sujets. »
    Tannhauser le considéra. D’un mouvement de tête, il fit signe à Bors. « Il n’a plus rien à nous dire. »
    Sabato Svi s’éloigna.
    Bors dégaina sa dague. Il hésita. « Je n’ai jamais tué un prêtre avant. »
    Gonzaga commença à marmonner en latin. « Deus meus, ex toto corde poenitet me omnium meorum peccatorum eaque detesto… »
    Tannhauser prit la dague à Bors. « Moi non plus. »
    Il réduisit au silence la dernière prière de Gonzaga en le frappant derrière la clavicule, tranchant l’alimentation de son cœur. Pendant la rébellion du faux Mustapha, quand les janissaires avaient massacré des milliers de gens dans les rues d’Andrinople, Tannhauser avait découvert que cette méthode était plus sûre que l’égorgement. Et le sang restait proprement contenu dans la poitrine. Gonzaga mourut sans un soupir. Tannhauser le laissa retomber et rendit sa dague à Bors.
    « C’est à peu près la même chose que de tuer n’importe qui d’autre », dit-il.
    Bors essuya la dague sur sa cuisse et la rengaina. « Et maintenant ? »
    Tannhauser réfléchissait. Santa Croce était loin à l’intérieur des terres, dans les montagnes au sud-ouest de l’Etna. La route pour y aller depuis la villa Saliba – la route de Syracuse – partait plein ouest par rapport à l’Oracle, en passant par la porte sud de Messine. Ambrosio et son escorte ne devaient pas avoir encore atteint la villa Saliba. Carla, il l’espérait, aurait le bon sens de ne pas opposer de résistance. Et Amparo ? Mais toute spéculation était inutile. Il avait largement le temps de leur couper la route de Syracuse. Il se sentit soudain un peu nauséeux et en comprit la raison.
    « Je n’ai rien avalé depuis le petit déjeuner », dit-il. Il désigna les cadavres. « Balançons ces saletés dans l’entrepôt. Et puis, pendant que je me remplis le ventre, nous parlerons. »
     
    TANNHAUSER FIT BOIRE Buraq, l’étrilla et le laissa manger un sac d’avoine et de trèfle. Quand il revint, Bors avait balancé des seaux de vinaigre sur le sol pour ôter la puanteur. Le pauvre Gasparo était allongé sur une table. Pendant que Bors allait piller la cuisine, Tannhauser grimpa dans sa chambre prendre son coffret de médecine.
    Quand il redescendit, Bors avait couvert la table de pain, de fromage, de vin et d’un quart de cygne rôti froid. Il ajouta une bouteille de brandy et trois verres. Sabato Svi était assis, la tête dans ses mains ensanglantées. Ses épaules tremblaient. Tannhauser posa son coffret de médecine sur la table et l’ouvrit. Il passa un bras autour des épaules de Sabato et sentit les sanglots silencieux dans sa poitrine. Il attendit qu’ils cessent puis dit : « Montre-moi tes mains. »
    Sabato s’essuya le visage d’une manche, puis prit une grande respiration et la laissa ressortir lentement. Il évitait les yeux de Tannhauser. Sa barbe était maculée de mucus et de sang. Tannhauser prit un linge dans le coffret et commença à lui essuyer le visage. Sabato s’empara du linge pour le faire lui-même.
    « Tu dois penser que je suis moins qu’un homme, dit-il.
    – Je t’ai entendu leur cracher au visage. Aucun homme n’aurait pu être plus brave. »
    Mais Sabato détournait toujours son visage.

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