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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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est une vertu de la jeunesse, répondit-il, et j’ai laissé les deux loin derrière moi. »
    Elles traversèrent l’auberge pour l’accompagner et s’arrêtèrent sur le seuil de la rue Majistral. Deux austères sergents de l’ordre passaient, traînant un étrange vieil homme avec des yeux d’un éclat peu commun et un visage édenté en forme de croissant. Ses mains étaient liées dans son dos et, alors que Carla se demandait quel crime il avait bien pu commettre, elle vit un nuage sombre passer sur les traits de Mattias.
    « La terre appelle ce vieil homme », dit-il. L’expression n’était pas familière à Carla, mais Mattias n’expliqua rien. Il dit : « Je ferais mieux d’aller sur les remparts.
    – Je prierai pour vous, dit Carla. Même si vous ne craignez pas Dieu.
    – Toutes les prières en ma faveur sont les bienvenues, dit-il, quel que soit le dieu qui les entend. »
    Il leur jeta un dernier regard, les salua et s’engagea dans la rue. Loin devant lui, elle entrevit le vieil homme, sa démarche bondissante et folle entre les pas impitoyables de ses gardiens. L’ancien jeta la tête en arrière et émit un hurlement désespéré, presque un aboiement, et Carla se rendit soudain compte que depuis son arrivée, dans tout ce dont elle avait été témoin, elle n’avait pas aperçu le moindre signe, ni perçu la moindre présence sonore d’un quelconque chien. Comme c’est étrange, songea-t-elle. Un des sergents étouffa le cri du vieillard d’une main, et tous trois disparurent au coin de la rue.
    Mattias les suivit, et même si elle voulait qu’il le fasse, il ne se retourna pas vers elle.
    Elle remonta sur le seuil pour trouver une Amparo aussi lugubre qu’elle. Carla la prit dans ses bras et elles se serrèrent très fort. Elle sentait le cœur d’Amparo battre à la même vitesse que le sien. Sa peur pour Mattias lui taraudait l’estomac, cela et peut-être un peu plus. Peut-être était-elle en train de tomber amoureuse. Elle regarda Amparo et se demanda si la fille ressentait la même chose. Son instinct lui disait que oui. C’était plus que de l’instinct : c’était écrit sur le visage endommagé d’Amparo. S’il en était ainsi, se dit Carla, alors ce devait être la volonté de Dieu, et Dieu avait ses raisons. Elle décida d’accepter à bras ouverts tout ce qu’il ordonnerait. Une espèce de sagesse si profonde qu’elle ne pouvait venir que du Christ s’éleva du fond d’elle-même. Dans les jours à venir, il ne pourrait y avoir aucun excès d’amour, quelle que soit sa nature. Sans amour, ils ne seraient rien. Pire que cela, ils seraient damnés.
    1  . Dérivé de l’espagnol morrion , sorte de casque léger relevé sur l’avant et sur l’arrière.

LUNDI 21 MAI 1565
    Le bastion de Castille – Le bastion d’Italie
– Le bastion de Provence
    DU HAUT DES REMPARTS, ORLANDU regardait, depuis des heures, un vortex de poussière rouge au-dessus de l’horizon sud, et les légions du sultan Soliman qui émergeaient de ses spires. La horde musulmane s’avançait en ordre parfait, jusqu’à couvrir entièrement l’ocre des collines au-delà du Grand Terre-Plein, et ce spectacle était si glorieux et si courageux que certains des chevaliers qui le contemplaient en pleuraient sans honte.
    Orlandu, en reconnaissance des blessures reçues lors du massacre des chiens, avait gagné une place convoitée sur le bastion de Castille, qui s’avançait de la gauche de l’enceinte à la base de la baie de Kalkara. Sur les fortifications extérieures s’alignaient des arquebuceros , et la fumée âcre de leurs mèches d’allumage lui piquait les yeux. La plupart d’entre eux étaient des Castillans issus des tercios de Sicile et de Naples. Leurs corselets et leurs habits étaient très variés, car chaque homme fournissait les siens. Leur uniforme, si l’on peut dire, consistait en une petite croix rouge lie-de-vin cousue sur leurs pourpoints. Ils étaient groupés par six, et se surnommaient las camaradas . Derrière eux se tenait l’infanterie maltaise, avec leurs demi-piques. Ils étaient vêtus d’armures de cuir très artisanales et de simples casques. Dispersés entre les premiers rangs, les chevaliers espagnols et portugais donnaient la seule note de grandeur, une armure brillante recouverte d’un manteau de guerre écarlate, la poitrine blasonnée de la simple croix blanche des croisés. Orlandu se tenait sur le bord d’un

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