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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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l’air de s’entendre comme larrons en foire. L’un fait la roue, l’autre rit sous cape. C’en est trop ! La Bretonne boit cul sec un coup de rouge et se jette sur une perdrix qu’elle mord à pleines dents.
    Après le souper, un bal est donné à l’Orangerie décorée de grottes, rocailles, jeux d’eau. En piste, Charles et sa conquête. Plus de doute : à leurs pas de danse bien accordés, leurs regards en coin, ils flirtaillent. Blanche s’apprête à se ruer sur Charles lorsque Louise l’aborde d’une voix douce :
    — Je ne pourrai malheureusement pas me rendre aux fiançailles de Charles et de Laure de Clermont-Tonnerre demain. Ne trouvez-vous pas qu’ils forment un beau couple ?
    Blanche pâlit, sort de l’Orangerie en titubant, s’assied sur la margelle du bassin de la sirène, s’asperge d’eau glacée. Plante ses ongles dans ses paumes.
    Une fusée éclate dans le ciel étoilé. Il pleut mille fleurs de lys.
    Mille tonnerres.
    1 - D’après L’Affaire des poisons , de Jean-Christian Petitfils, Perrin, 2010.

    2 - Allez, la messe est dite.

    3 - Propos tenus à l’instruction par l’abbé Guibourg, le 10 octobre 1680. Voir L’Affaire des poisons, de Jean-Christian Petitfils, op. cit.

16
    La nuit a gobé le feu d’artifice. Blanche erre dans l’allée des cascatelles. Étonnée de la voir si seule, si perdue, Ninon lui propose de rentrer avec elle à Paris. Le bas de sa robe mouillé, Blanche se traîne.
    À l’hôtel de Sagone, elle retrouve sa bonne vieille chemise de nuit et s’endort, brisée par ses déconvenues. Sur la plage de Sainte-Anne-la-Palud, le ciel gronde, des rouleaux se déchaînent. À l’horizon, une vague de la taille d’une maison galope, cheval fou, vers le rivage. Un mur. Elle va mourir. Toute remuée par son cauchemar, elle boit un verre d’eau fraîche, se redresse : les fiançailles ont lieu ce soir, Charles peut encore tout annuler ! Elle enfile sa robe rose perlée, se gourme de jus de cerises et s’échappe, sans prévenir Ninon.
    Dix heures sonnent au clocher de Saint-Paul. Elle traverse l’île aux Vaches, déambule dans les ruelles de Saint-Germain-des-Prés jusqu’à l’arrière de l’hôtel de Condé. Des maraîchers chargés de primeurs se présentent aux gardes. Le porche s’entrouvre. Au fond d’un parc grandiose, se déploie un ensemble de bâtiments aux ailes séparées par d’étroites cours intérieures. Côté palais du Luxembourg, trois terrasses bordent l’entrée des jardins fermés par une grille.
    Adossée à un pilastre, Blanche patiente, au risque de passer pour une fille. Charles sortira bien avant midi, lui qui aime tant chevaucher vers les Tuileries pour y faire une partie de jeu de paume. Une heure plus tard, il trottine sur un canasson bai. En la voyant qui rosit, il saute à terre :
    — Blanche, que fais-tu ici à cette heure ? Nous ne pouvons rester là. Allons dans les écuries…
    Bride à la main, il l’entraîne vers des stalles, le long de l’enceinte de la propriété. Au milieu de bottes de foin, Blanche s’emporte :
    — Tu veux me cacher ? Tu as honte : tu n’as même pas eu le courage de me dire que tu te fiançais. Dis-moi que c’est faux, que tu vas mettre fin à cette farce.
    Charles caresse sa joue, petit garçon pris la main dans le sac :
    — Ma chérie, je n’ai pas le choix. Ma mère a tout organisé. Il s’agit d’un arrangement entre familles. Laure est une cousine. Sois raisonnable.
    — Raisonnable ? Moi ? Jamais. Tu voulais être le premier, tu voulais m’enlever, tu m’as juré que tu m’aimais. Tu n’as pas de parole. Aucun honneur.
    — Je ne t’ai jamais rien promis, ma belle.
    Blanche tambourine sur sa poitrine :
    — Tu m’as menti, abusée !
    Charles lui bloque les mains, tente de la calmer, se dégage. Les yeux embués, elle le retient par la manche de son pourpoint :
    — Non, reste !
    Charles se ravise, prend la tête de la jeune femme entre ses mains, la couvre de baisers :
    — Ne pleure pas, mon amour. C’est toi que j’aime.
    Blanche s’apaise. Ses seins jaillissent de son corsage, tendus, gonflés. Charles les dévore. Il la bascule dans le foin, la fait jouir. Le chevau-léger retrouve son bon sourire.
    — Prends soin de toi. Tu feras une belle tragédienne.
     
    Les jours s’en vont, Charles ne répond pas à ses billets. Envoyé en messager, Blase se renseigne : les Longueville se sont repliés sur leurs terres. Blanche

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