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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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général Sanjurjo,
le 12 août 1932, a montré que ce consentement pouvait à chaque instant être
retiré, si la République s’avisait de ne pas être docile aux injonctions des
oligarques [16] .
    Fait remarquable, cette armée dont l’artillerie est composée
de vieux canons de 75, dont les fantassins sont munis de Lebel de 1909, dont
aucun avion ne pourrait tenir l’air face à n’importe quelle aviation étrangère,
est abondamment pourvue de mitrailleuses. Elle ne résisterait pas une semaine
contre une armée moderne : elle reste capable de noyer dans le sang une
tentative révolutionnaire. Mal nourries, mal vêtues, mal équipées, ses recrues
sont aussi très mal entraînées. Les officiers sont d’un niveau technique très
médiocre, les plus expérimentés étant les coloniaux qui ont servi dans les
unités du Maroc. Elle a pourtant son élite, véritable armée de métier, avec le Tercio de la légion étrangère, organisé pendant la guerre du Rif par le général
Millan Astray, et ses régiments marocains recrutés parmi les tribus
montagnardes les plus arriérées et les plus guerrières. Ces mercenaires,
légionnaires et Maures, sont la troupe de choc de cette armée de guerre civile.
Lorsque, en octobre 1934, les mineurs des Asturies se soulèvent contre la
perspective de l’arrivée au pouvoir de la droite ce sont ces unités d’élite, étrangères
à l’ « hispanité », mais efficaces, qui écraseront en douze jours l’insurrection
ouvrière. Et l’on verra servir au premier rang quelques-uns des officiers
condamnés pour s’être soulevés deux ans auparavant sous Sanjurjo contre la
République.
    Ce sont d’ailleurs les officiers qui manquent le moins à
cette armée. Sous la monarchie, on en comptait 15 000, dont 800 généraux, soit
un officier pour six hommes, un général pour un peu plus de 100 soldats. Sous
la République, il y a de moins en moins d’officiers républicains. Le
gouvernement Azaña, pour dégager les cadres, a offert solde entière à ceux qui
demanderaient une retraite anticipée : nombreux seront les officiers de gauche
qui saisiront l’occasion de quitter l’armée dont l’atmosphère est devenue pour
eux irrespirable. L’écrasante majorité des cadres, la totalité des grands chefs
sont résolument monarchistes, partisans de l’oligarchie, adversaires de toute
évolution ennemis mortels de la révolution [17] .
La bourgeoisie
    L’emprise du passé pèse jusque sur les forces théoriquement
neuves de la jeune bourgeoisie espagnole. L’industrialisation de l’Espagne s’est,
nous l’avons vu, poursuivie sur un rythme très lent au cours du XIX e siècle, et dans des secteurs géographiquement restreints. Cette lenteur et cette
localisation expliquent les caractères propres de la classe bourgeoise ainsi
créée. C’est seulement en Biscaye et dans les Asturies que s’est constituée une
véritable oligarchie financière, que représentent bien la Banque de Biscaye et
celle de Bilbao. La plupart des historiens n’ont pas manqué de souligner les
circonstances politiques de l’apparition de ce capitalisme financier s’épanouissant
au lendemain de la défaite du mouvement libéral par l’oligarchie agraire de la
Restauration. Le libéralisme bourgeois souffre, certes, de la médiocre
implantation de la bourgeoisie dans le pays, mais il subit aussi le handicap d’avoir
toujours été dénoncé par ses adversaires comme un produit de l’étranger. En
plein XX e siècle, le bourgeois libéral devra d’abord se défendre d’être
un afrancesado [18] . Suspect de n’être qu’un porte-parole d’idées étrangères ou un prête-nom de
capitaux étrangers, le bourgeois espagnol, dans son désir d’être accepté dans
le cercle des « dirigeants », a multiplié les concessions, les
reniements, les capitulations.
    Les millionnaires de Bilbao et des Asturies se sont
empressés de s’allier à l’oligarchie foncière et de partager avec elle les
sièges de la Banque d’Espagne [19] .
La nouvelle oligarchie financière, à peine née, s’est unie par mille liens,
tant personnels qu’économiques, avec l’aristocratie. Le comte de Romanones, l’un
des plus importants hommes d’État de la monarchie, est grand propriétaire
foncier dans la province de Guadalajara, le plus important propriétaire d’immeubles
de Madrid, gros actionnaire des mines de la Peñarroya et de plusieurs banques
importantes. La bourgeoisie est donc bien incapable

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