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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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Centre,
souvent trop petites pour la subsistance de ceux qui les travaillent, celui des
grands domaines du Sud exploités par le travail d’ouvriers à qui l’abondance de
main-d’œuvre permet de n’offrir que des salaires de famine.
    Le petit propriétaire des Asturies, qui bénéficie de l’appoint
de vastes pâturages communaux, le métayer du Pays basque, de Navarre ou de
Maestrazgo ne connaissent qu’exceptionnellement la misère, s’ils ignorent
pourtant l’aisance. Mais le paysan de Galice sur sa terre minuscule est écrasé
par le poids du foro, résidu des taxes seigneuriales, et celui du Leon,
de la vieille Castille et du plateau d’Aragon se débat trop souvent entre les
mains des usuriers. Si le paysan du Levante est quelquefois parvenu à racheter
la tenure héréditaire astreinte au paiement du censo, le fermier des
plaines irriguées de Grenade et Murcie doit payer des loyers énormes. Le petit
propriétaire catalan jouit d’une relative aisance, mais son voisin, le
« rabassaire » [10] ,
a vu sa condition se dégrader au cours des dernières années.
    Sur le plateau de Nouvelle Castille, les domaines des nobles
sont presque toujours loués. Le drame, ici, est dans la brièveté du bail et sa
précarité, l’absence d’obligations pour le propriétaire, qui peut hausser les
baux à sa guise et laisse souvent ses agents abuser encore du paysan. D’après
les registres de l’impôt de 1929, 850 000 chefs de famille, sur un total de
1 000 000, ont un revenu quotidien inférieur à une peseta...
    Dans la Manche et l’Estramadure, les domaines sont plus
grands et les petits exploitants moins nombreux. Dans les plaines, le paysan
typique est le yuntero, paysan sans terre, possesseur d’un attelage de
mules, qui cultive quand il le peut la terre du grand propriétaire absentéiste.
    L’Andalousie est le domaine classique des latifundia. Ici le
revenu moyen annuel d’un grand propriétaire est d’environ 18 000 pesetas, celui
d’un petit propriétaire étant de 161 pesetas. Mais la majorité des paysans ne
sont pas propriétaires du tout : ce sont les braceros – les «
brassiers » de notre Moyen Age –, journaliers qui n’ont guère de travail
plus d’un jour sur deux et doivent vivre toute l’année avec les salaires de
misère gagnés à travailler, dans les pires conditions [11] , sur les grands
domaines, sous la surveillance du labrador, l’intendant rapace, toujours
prêt à s’enrichir par des amendes arbitraires ou le chantage à l’embauche. Bien
des terres cultivables restent en friche, soit que leur propriétaire se les
réserve pour la chasse, soit qu’il veuille ainsi tenir la dragée haute aux
revendications des braceros. Car cette région, qui compte des populations
peut-être les plus misérables d’Europe, est aussi la patrie de la haine de
classes, de l’esclave toujours prêt à se révolter contre le maître : les «
jacques » ont faim de terre...
    C’est donc, en définitive, une poignée de grands
propriétaires qui domine la terre d’Espagne [12] .
Les « oligarques », comme disent leurs adversaires, ont su, depuis des
siècles, préserver l’essentiel de leurs privilèges et de leur fortune au
détriment de la masse paysanne. La monarchie a été leur régime, le seul
véritablement conforme à leurs intérêts et à leurs aspirations. C’est pour la
sauver qu’ils ont consenti, en 1923, au pronunciamiento qui devait inaugurer la
dictature du général Primo de Rivera. En 1930, c’est le consentement général du
roi et des oligarques qui congédie Primo et appelle le général Berenguer. En
1931, la proclamation de la République se fera sans violence : ce sera la «
glorieuse exception » d’une « révolution pacifique », ainsi que le
proclame au micro le grand propriétaire Alcala Zamora, devenu président. La
monarchie fait place à la République sans que, pour l’essentiel, le régime
économique et social ait subi d’atteinte. Alphonse XIII quitte l’Espagne, mais
il n’abdique pas. Les oligarques, dans leur quasi-totalité, lui restent
fidèles. Ils conservent, sous le nouveau régime politique, les solides piliers
qui ont de tout temps étayé leur domination : l’Église et l’Armée.
L’Église
    L’Église espagnole est, elle aussi, un anachronisme, qui
semble issu tout droit du Moyen Age avec ses 80 000 prêtres, moines et
religieuses. Sa puissance spirituelle et temporelle est considérable. Il est
cependant

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