La Révolution et la Guerre d’Espagne
action si le parti de Gil Robles devait se révéler
incapable de s’emparer du pouvoir par la voie des élections.
La Phalange
L’exemple allemand et italien a conduit certains milieux de
l’oligarchie à envisager l’utilisation d’instruments politiques plus modernes
que les partis traditionalistes.
Dès avant 1936, le milliardaire Juan March a financé [23] un mouvement qui
sera amené, à travers la guerre civile, à jouer un rôle de tout premier plan. C’est
en 1932 que José Antonio Primo de Rivera, le fils du dictateur, a fondé la
« Phalange espagnole », devenue « Phalange espagnole
traditionaliste » en 1934 après sa fusion avec les « Juntes
offensives nationales syndicalistes », et qui reste un groupe minuscule et
sans influence réelle jusqu’au lendemain des élections de février 1936.
Le programme en 26 points de la Phalange est typiquement
fasciste : il reproche aux républicains leur timidité devant l’oligarchie,
propose la nationalisation des banques et des chemins de fer, une réforme
agraire radicale, mais en même temps dénonce la doctrine marxiste corruptrice
et dissolvante de la lutte des classes, pour lui opposer l’idéal de « l’harmonie
des classes et des professions dans une destinée unique », celle de la Patrie
et de l’Europe. Seule son attitude vis-à-vis de l’Église différencie la
Phalange du Fascio mussolinien : un phalangiste, même athée, respecte
dans l’Église catholique l’idéal historique de l’Espagne [24] . Les succès de
Mussolini et de Hitler semblent aux partisans de José Antonio les garants de
leur victoire proche, leurs rêves impériaux les entraînent vers le Maroc
français et une suzeraineté renouvelée sur l’Amérique du Sud, cet autre produit
de l’ « hispanité » et de la « destinée commune ».
Le fondateur et chef de la Phalange, José Antonio, comme on
dit tout simplement, est un jeune Andalou plein de charme, ayant pour lui les
atouts de sa jeunesse, d’une incontestable élégance d’allure et d’une certaine
générosité, qui fera que nombre de ses adversaires les plus farouches ne se
défendront que mal d’une sympathie spontanée à son égard. Néanmoins son
mouvement n’est pas encore pris au sérieux. Comme le fascisme et le
national-socialisme, le phalangisme ne se situe sur un terrain
« social » que pour mieux combattre les organisations marxistes et
leur opposer les armes de la terreur et de la violence. Jusqu’en 1936, l’oligarchie
espagnole reste réticente vis-à-vis de ce mouvement d’allure plébéienne et se
fie plutôt à Gil Robles pour une victoire obtenue dans le cadre légal des
élections : elle n’est pas encore prête à accepter les inconvénients qu’il
y aurait pour elle à être sauvée par un parti de doctrine et de méthode
fascistes, souvent aussi dur avec ses alliés et bailleurs de fonds qu’avec ses
adversaires. En février 36, la Phalange ne compte que quelques milliers d’adhérents,
dont mille à Madrid. Elle ira seule aux élections, essuyant de retentissants
échecs. Elle reste une force en réserve, apte à être utilisée si la classe
ouvrière menaçait de nouveau de descendre dans la rue. José Antonio qui, lui
aussi, a rencontré Mussolini, est en étroite liaison, en tout cas, avec les
dirigeants militaires et politiques du complot.
Les républicains autonomistes
Les forces qui pourraient s’opposer à ces menaces sont
minces, et, surtout, divisées.
C’est l’un des drames des républicains et des libéraux
espagnols que l’inachèvement de la nation espagnole, la persistance des
tendances autonomistes aient empêché, malgré l’existence d’une bourgeoisie
basque et d’une bourgeoisie catalane, la constitution d’une véritable
bourgeoisie espagnole. Les banquiers du Pays basque et les plus gros
entrepreneurs catalans ont partie liée avec l’oligarchie. Tous les éléments
petits-bourgeois qui, dans les pays d’Occident, constituent les bases des
partis les plus solidement attachés au régime parlementaire se sont tournés
vers des mouvements autonomistes.
Ce sont des juristes comme Manuel de Irujo et Leizaola, des
industriels comme José Antonio Aguirre y Lecube qui dirigent en 1936 le
« Parti nationaliste d’Euzkadi » [25] ,
fondé en 1906 sur une base raciale, politique et religieuse qu’exprime
parfaitement leur devise : Todo para Euzkadi y Euzkadi para Dios. Les
curés de campagne encadrent solidement les paysans
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