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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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de donner à l’économie
espagnole l’impulsion nécessaire à une transformation profonde, dans la mesure
où celle-ci supposerait une atteinte aux intérêts de l’oligarchie foncière qui
n’est finalement qu’un des secteurs d’une vaste oligarchie de possédants.
    A la veille de la révolution, elle trouve en Juan March sa
plus vigoureuse expression. Ancien contrebandier devenu directeur du monopole
du Tabac sous Alphonse XIII, ce grand financier et industriel, accusé de
trahison et de fraude par le premier gouvernement républicain, est, en même
temps, propriétaire de vastes domaines ruraux, homme de confiance des milieux
capitalistes anglais, président du Bureau central de l’industrie espagnole où
il siège aux côtés de Romanones et de Sir Auckland Geddes, de la Rio Tinto, de
représentants des intérêts capitalistes français, italiens et allemands. Il
finance tout ce qui est opposé à la République et jouera, dans les événements
qui préparent la guerre civile, un rôle décisif, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
L’aristocrate espagnole et les partis conservateurs
    L’aristocrate espagnole est bien différent de l’aristocrate
anglais, qui a su s’intégrer au mouvement d’expansion capitaliste. Il ne se
préoccupe guère de faire prospérer son domaine comme une entreprise, mais se
soucie avant tout de préserver son autorité de seigneur sur la main-d’œuvre à
bon marché dont il croit disposer par droit de naissance. Il n’a de raison d’être
que l’appartenance à sa caste et affirme volontiers qu’il est l’incarnation de
l’Espagne. Derrière lui se tiennent ses ancêtres, qui lui ont légué,
inséparables, nom, fortune et autorité. Il est tout naturellement monarchiste
et ne connaît d’autre loi que celle de sa propre classe.
    La majorité d’entre eux sont des partisans d’Alphonse XIII
et de la monarchie comme principe de conservation sociale. Ce sont eux qui
fournissent sous la République les cadres du « Parti de la Rénovation espagnole
», « couverture légale de l’insurrection » selon Ansaldo, que dirigent
Goicoechea et José Calvo Sotelo. Ce dernier, après son retour d’exil, est la
figure de proue d’un parti décidément plus ouvertement conservateur, «
corporatiste et autoritaire » que monarchiste. Encore jeune – il est né en
1893 –, il a derrière lui une carrière politique déjà brillante. Député à 25
ans, il est gouverneur de Valence l’année suivante, puis ministre des Finances
sous la dictature de Primo de Rivera. Par Balbo, il a eu des contacts répétés
avec le gouvernement fasciste de Rome. Lié à tous les milieux influents de l’oligarchie,
notamment à Mgr Segura, admirateur avoué du national-socialisme et du fascisme,
remarquable orateur, bon journaliste à la réputation d’économiste, il sera,
dans les Cortes, la Chambre de 36, le chef de l’extrême-droite et un des
dirigeants du complot des généraux.
    La « Communion traditionaliste », l’autre
mouvement monarchiste, a, incontestablement, une base populaire parmi les
petits paysans de Navarre qu’encadre un clergé fanatique. Le mouvement
« carliste », né après les guerres napoléoniennes, rassemble depuis
plus d’un siècle, sous la devise « Dieu, la Patrie, le Roi », les
conservateurs catholiques les plus fanatiques et conspire inlassablement pour
« restaurer » l’autorité « légitime » de ses
« prétendants » successifs, dont le dernier en date est le vieil
Alfonso Carlos. Son véritable chef, Manuel Fal Conde, le prépare
systématiquement, depuis plusieurs années, au soulèvement armé contre la
République.
    Le 31 mars 1934, Antonio Goicoechea pour la Rénovation
espagnole, Antonio Lizarza pour les carlistes et le lieutenant-général Barrera
ont signé à Rome avec Mussolini un accord par lequel le Duce s’est engagé à
soutenir leur gouvernent pour le renversement de la République par des
fournitures d’armes et d’argent. Entre 1934 et 1936, de nombreux jeunes gens de
l’organisation militaire carliste des requetes ont suivi en Italie des
stages de formation militaire. Des stocks d’armes ont été constitués en Navarre
grâce aux fonds italiens [20] .
    Carlistes et alphonsistes, en effet, refusent de s’incliner
devant un suffrage universel dont la conception même est à leurs yeux une
offense à l’ « hispanité », et se considèrent comme investis de la
providentielle mission de

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