La Révolution et la Guerre d’Espagne
Alvarez del
Vayo disparaissent de la combinaison. En tout cas, Largo Caballero ne propose
pas le « gouvernement syndical » dont parlent volontiers ses amis.
Les déclarations très diplomatiques des représentants des
groupes parlementaires indiquent nettement leurs réticences à l’égard du
nouveau gouvernement. Pour la Gauche républicaine, Quemades insiste sur le «
maintien de l’ordre public » et la « reconstruction économique ».
Irujo dit que les Basques souhaitent « un gouvernement de concentration
nationale, présidé par un socialiste ayant la confiance des
républicains », afin de « supprimer fermement les causes de désordre et d’insurrection
». C’est dans le même sens que va le socialiste Lamoneda, qui veut « un
tournant radical dans la politique du ministère de l’Intérieur ». Le parti
communiste, quant à lui, ne jette aucune exclusive nominale, mais réclame l’attribution
de l’Intérieur et de la Guerre à des « personnalités jouissant du soutien
de tous les partis et organisations composant le gouvernement ». Mais, à
ce moment-là, Azaña sait déjà que les socialistes veulent Prieto à la Guerre
et, par José Diaz, que les communistes s’opposent à ce que Largo Caballero
cumule encore Guerre et présidence du Conseil.
Dans la nuit, Azaña réunit autour de lui Largo Caballero,
Prieto, Lamoneda, José Diaz, Martinez Barrio, Quemades. Largo Caballero refuse
d’abandonner la Guerre. Le P.C. refuse de participer dans ces conditions. Parti
socialiste et Gauche républicaine font de la participation communiste la
condition de la leur. La nouvelle combinaison Largo Caballero est donc une
impasse. Azaña prie José Diaz de tenter un effort pour infléchir la position de
son parti, puis fait appel à Negrin que les communistes, les socialistes et les
républicains sont prêts à soutenir et dont la candidature semble préparée
depuis des mois [286] .
Le 17, on annonce la formation du gouvernement Negrin. Trois
socialistes, de la tendance Prieto, occupent les postesclés, Negrin assurant
les Finances et la présidence, Prieto la Défense nationale et Zugazagoitia l’Intérieur.
Jesus Hernandez et Uribe conservent l’Instruction publique et l’Agriculture. Le
catalan Ayguadé, de l’Esquerra, que la C.N.T. dénonce comme l’un des
responsables des Journées de mai devient ministre du Travail. Irujo est
ministre de la justice et le docteur Giral ministre des Affaires étrangères...
La C.N.T. et l’U.G.T., fidèles à leur position initiale en faveur d’un
gouvernement Largo Caballero, ne participent pas.
Juan Negrin
Le nouveau président du Conseil est peu connu. C’est un homme
de quarante-six ans, en pleine force – il est doué d’une vitalité peu commune –
qui, jusqu’à la guerre civile, n’a été, dans la politique, qu’un brillant
dilettante. « Enfant chéri de la fortune », comme dit son admirateur Ramos
Oliveira, né dans une famille riche des Canaries, il a parcouru le monde à son
gré, obtenant à l’université de Leipzig les diplômes de médecine qui lui ont
valu la chaire de Physiologie à l’université de Madrid en 1931. Marié à une
Russe, il a de nombreuses relations dans le monde occidental. Il a adhéré au
parti socialiste en 1929, est devenu député en 1931 et a constamment été réélu
depuis. Il ne se considère ni comme un marxiste, ni comme un représentant de la
classe ouvrière : socialiste « à l’occidentale », c’est un grand bourgeois
et un universitaire distingué, bien plus proche d’un Prieto que d’un Largo
Caballero. Mais il n’a pris part que de loin à la lutte interne dans le parti
socialiste, n’a aucune ambition ni aucun goût pour les luttes politiques,
auxquelles il passe pour préférer les plaisirs de la vie. Aussi est-il
pratiquement inconnu lorsqu’il devient, sur proposition de Prieto, ministre des
Finances dans le gouvernement Largo Caballero. Il ne l’a accepté, dira-t-il,
que par devoir, convaincu que « la guerre avait un aspect international,
décisif pour son résultat et que, de ce fait, un cabinet Largo Caballero avec
des représentants de l’extrême-gauche socialiste et du communisme était une
erreur grossière, pire... que l’entrée des fascistes à Getafe » [287] .
Ce sont les mêmes préoccupations qui l’inspirent une fois
installé au ministère des Finances ; il est le défenseur inconditionnel de
la propriété capitaliste, l’adversaire
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