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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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bouche à oreille, des ministres laissent percer la
vérité, avouent leur impuissance : Zugazagoitia déclare à Jordi Arquer,
chef de colonne du P.O.U.M., que Nin est à Madrid dans une prison privée
communiste ; il lui conseille de ne pas tenter de le retrouver car dans ce
cas, aucun sauf-conduit officiel ne pourrait le protéger. Au Conseil des
ministres éclatent de violents incidents : Negrin interpelle les ministres
communistes, se déclare prêt à couvrir ce qu’il faut couvrir, mais exige d’être
mis au courant. Bientôt, le 4 août, il faut, devant le scandale qui grandit [290] , reconnaître une
partie de la vérité. Le 4 août, le gouvernement publie une note qui déclare :
« Des informations recueillies, il ressort que Nin a été arrêté par la
police de sûreté générale, en même temps que les autres dirigeants du P.O.U . M.,
qu’il a été transféré à Madrid dans un préventorium habilité à cet effet et
que, de là, il a disparu. »
    L’affaire Nin a un énorme retentissement. Ancien secrétaire
de la C.N.T., ancien secrétaire de l’Internationale syndicale rouge, le
dirigeant du P.O.U . M. est mondialement connu dans le mouvement ouvrier
et syndical. En Espagne et à l’extérieur se multiplient les comités, les
commissions d’enquête, les lettres, les télégrammes. Sur les murs des villes
revient la même question : « Où est Nin ? » Les militants du
P.C., qui ont la rime facile, ont trouvé la réponse : « A Salamanque
ou à Berlin. » Assaillis de questions, les ministres se
contredisent : Irujo affirme que Nin n’a jamais été détenu dans une prison
gouvernementale, alors que Zugazagoitia, ministre de l’Intérieur, dit qu’il y a
été, mais qu’il en est parti, transféré « ailleurs »... Le ministre de la
Justice désigne un juge d’instruction pour enquêter sur la disparition de Nin.
Plusieurs policiers impliqués et menacés d’arrestation disparaissent, certains
réfugiés à l’ambassade d’U.R.S.S. Finalement, le juge d’instruction échappe de
justesse, à Valence, à une tentative d’enlèvement par des policiers
gouvernementaux. Irujo, au Conseil des ministres, menace de démissionner. Il
est soutenu par Zugazagoitia, qui dénonce l’activité du directeur général de la
Sûreté, le communiste Ortega. Finalement, Ortega est révoqué, mais Nin n’est
pas retrouvé. Dès le 8 août 1937, le correspondant à Madrid du New York
Times avait pu écrire : « Quoique on ait tout fait ici pour étouffer l’affaire,
tout le monde sait maintenant qu’on l’a retrouvé mort dans les faubourgs de
Madrid, assassiné. »
    La thèse des amis de Nin – l’enlèvement par les services
secrets de la police soviétique, la N.K.V.D. – a aujourd’hui été confirmée par
les révélations de Jesus Hernandez. On savait déjà que, parmi les policiers qui
arrêtèrent les leaders du P.O.U.M. figurait un militaire russe, le capitaine
Léon Narvitch [291] ,
qui avait, quelques semaines auparavant, pris contact avec Nin et Andrade en se
faisant passer pour un membre de l’opposition russe, servant en Espagne comme
technicien. Jesus Hernandez raconte la suite du drame : Nin, livré à
Orlov, chef de la N.K.V.D. en Espagne, par les policiers communistes qui l’ont
arrêté, est emprisonné dans un préventorium, une villa de Alcala de Henares. Il
s’agit d’obtenir de lui les « aveux » qui permettraient un procès
public analogue à ceux de Moscou et consacreraient la thèse de Staline en
affirmant une fois de plus l’alliance avec les fascistes de ses adversaires,
oppositionnels et « trotskystes ». Mais Nin, qui est pourtant un
grand malade, résiste à la torture et refuse d’« avouer ». Dès lors, il est
impossible de le faire reparaître. Nin vivant se transformerait en un
redoutable accusateur. Mais il est également impossible d’avouer sa mort en
préventorium. Selon Hernandez, c’est le commandant Carlos qui, au moment où il
devient nécessaire d’en finir, a l’idée d’une mise en scène qui accréditerait
la thèse d’une évasion de Nin, grâce à l’intervention de « membres de la
Gestapo » déguisés en combattants des brigades internationales. Ce sera la
thèse exposée par les « responsables » du préventorium aux enquêteurs
officiels. On ignore toujours, en tout cas, si le cadavre de Nin a finalement
été retrouvé ou identifié.
    Ces explications officielles ne trompent personne. Après

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