La Révolution et la Guerre d’Espagne
résolu de la collectivisation, c’est lui
que les ministres de la C.N.T. trouveront sur le chemin de toutes leurs
propositions. C’est lui qui a réorganisé solidement les carabiniers. C’est lui
aussi qui a présidé à l’envoi en U.R.S.S. de la réserve d’or de la République.
Il jouit de la confiance des modérés et son nom sera mis en avant, pendant la
crise, par Irujo d’abord. Il passe pour l’homme de Prieto. Il est en excellents
termes avec les communistes qui l’ont assuré, d’avance, de leur soutien et, par
l’intermédiaire de Jesus Hernandez, en ont fait leur candidat au gouvernement
de coalition qu’ils préconisent. Avec lui, c’est leur politique, celle de
Prieto – pour l’instant elles se confondent – qui triomphe.
Tandis que la F.A.I., dans un manifeste diffusé
clandestinement, dénonce « la victoire, non seulement du bloc
bourgeois-communiste, mais aussi de la France, de l’Angleterre et de la
Russie », les réactions occidentales se révèlent favorables. Le Temps ,du 17 mai, invitait le nouveau gouvernement à choisir entre
« démocratie et dictature prolétarienne, entre ordre et anarchie ».
Le New York Times du 19 annonce que Negrin a l’intention « d’utiliser
à l’intérieur une poigne de fer », et précise : « En agissant
ainsi, le gouvernement espère gagner les sympathies des deux démocraties qui
signifient le plus pour l’Espagne – Gande-Bretagne et France – et garder le
soutien de la nation qui l’a le plus aidée – la Russie. Le principal problème
du gouvernement aujourd’hui est de pacifier ou d’écraser l’opposition
anarchiste. » La revue officieuse française Affaires étrangères souligne
la signification profonde du choix du nouveau président et du nouveau ministre
des Affaires étrangères, le départ des extrémistes et l’importance croissante
des Basques, le caractère « raisonnable » du nouveau gouvernement et
les espoirs qu’il permet maintenant pour une solution de conciliation...
La presse des partis de la coalition salue en tout cas dans
ce nouveau gouvernement le « gouvernement de la victoire ».
La suppression du P.O.U.M.
Dès avant la chute de Caballero, la presse du P.C. et du
P.S.U.C. avait lancé contre le P.O.U.M. une véritable campagne de « chasse aux
sorcières ». Elle s’est intensifiée après ce que les communistes appellent
l’ « insurrection fasciste de Barcelone ». Largo Caballero avait
refusé la répression contre le P.O.U.M. Negrin ne peut qu’y consentir. Le 28
mai, La Batalla est supprimée. Julian Gorkin est inculpé pour son
éditorial du 1 er mai appelant les travailleurs à veiller « l’arme
aux pieds » et proposant à la C.N.T. le « front uni
révolutionnaire ». Le 16 juin, dans la nuit, tous les membres du Comité
exécutif du P.O.U.M. sont arrêtés, Nin dans son bureau, d’autres chez eux, d’autres
encore au front. La police, n’ayant pu trouver sur le moment Andrade ni Gorkin,
arrête leurs femmes.
Le 11 juin paraît un premier acte d’accusation contre le
P.O.U.M. Il affirme : « La ligne générale de la propagande de ce parti
était la suppression de la République et de son gouvernement démocratique par
la violence et l’instauration d’une dictature du prolétariat. » Rien d’extraordinaire
dans cette accusation, normale contre des révolutionnaires qui se réclamaient
de la pensée de Lénine. Pourtant, la suite de l’acte indique un autre état d’esprit :
le P.O.U.M. est accusé d’avoir « calomnié un pays ami dont l’appui moral et
matériel a permis au peuple espagnol de défendre son indépendance », d’avoir
– allusion aux procès de Moscou – « attaqué la justice soviétique »,
et d’avoir été « en contact avec les organisations internationales connues sous
la dénomination générale de « trotskystes » et dont l’action au sein d’une
puissance amie démontre qu’elles se trouvent au service du fascisme
européen ».
Le contenu et le ton même de l’acte d’accusation rappellent
la menace de la Pravda :la même main qui, à Moscou, a
frappé les vieux bolcheviks s’apprête à frapper en Espagne. Contre les accusés,
les mêmes services fabriquent les mêmes « preuves », des faux
maladroits destinés seulement à servir de support aux « aveux ». Dans
l’affaire du P.O.U.M. c’est le « plan N », plan de Madrid sur papier
millimétré découvert sur le phalangiste Golfin et où la
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