La Révolution et la Guerre d’Espagne
de l’Espagne… Ce n’est là qu’un premier recul.
Quelques jours plus tard l’incident des Savoïa-Marchetti aurait pu permettre de
revenir sur cette concession. Mais Blum rappelle que la campagne de presse
déclenchée contre son gouvernement trouvait à s’alimenter dans de nombreux
articles étrangers, en particulier anglais et belges, ce qui ne pouvait manquer
de frapper l’opinion publique. Pour Churchill, dont l’hostilité au nazisme dès
cette époque ne fait aucun doute, « une inflexible neutralité constitue
présentement la seule solution » [318] .
Fait beaucoup plus grave, l’unanimité était loin d’être
faite dans le gouvernement français. Le président du Conseil se contente d’indiquer
que, lors du troisième conseil de cabinet consacré à la question espagnole,
celui du 8 août, le ministère est divisé. On peut aller plus loin et dire que
les partisans des fournitures d’armes, groupés autour du ministre de l’Air,
Pierre Cot, se sont trouvés en minorité devant la coalition « formée de la
plupart des radicaux et des socialistes de la nuance Paul Faure » [319] . Pour renverser
cette tendance et pour éviter à tout prix l’isolement dans lequel une politique
d’intervention en faveur de l’Espagne républicaine risquait de placer la
France, Blum ne voyait qu’un moyen : convaincre l’Angleterre.
D’où l’accueil favorable qu’il avait donné à la proposition
de Noël Baker, suggérant d’envoyer en mission à Londres l’amiral Darlan, chef d’état-major
de la Marine, qui passe pour un chef profondément républicain. La mission
confiée à Darlan consiste à entrer en contact, par l’intermédiaire du premier
lord de l’Amirauté, Lord Chatfield, qu’il connaît personnellement, avec le
secrétaire permanent du cabinet, Sir Maurice Hankey. Si Darlan parvenait à le
convaincre de la nécessité d’empêcher Franco de s’emparer du pouvoir, celui-ci
pourrait alors provoquer une réunion ministérielle et peut-être une évolution
de l’attitude anglaise.
En fait, il est douteux que la réunion au début d’août du
cabinet britannique eût changé quoi que ce soit à l’attitude déjà
arrêtée ; l’Angleterre voyait trop d’inconvénients à prendre parti dans la
guerre civile espagnole. Les intérêts miniers qu’elle possédait dans la
péninsule ne lui permettaient pas de rompre avec un quelconque des adversaires
en présence. De plus les Anglais envisageaient un retour à la détente en
Méditerranée, après la période de tension qui avait marqué dans les années
précédentes l’affaire d’Ethiopie. Un rapprochement avec Rome s’ébauchait et l’on
préparait un accord maritime anglo-italien ; Toutes raisons pour ne pas
prendre une position tranchée en opposition absolue avec celle de l’Italie.
Enfin, sentimentalement, les conservateurs britanniques avaient beaucoup plus
de sympathie pour le général Franco que pour les « Rouges », dont les
excès révolutionnaires avaient été amplement soulignés par la presse
conservatrice. L’opinion de Lord Chatfield, considérant Franco comme un
« bon patriote espagnol », ne fait sans doute que refléter celle de
la plupart des ministres. Dans ces conditions, la mission Darlan ne pouvait
aboutir qu’à un échec. Chatfield refuse d’intervenir. La politique anglaise ne
sera pas modifiée.
Cette tentative avortée marquera le dernier effort
diplomatique fait par le gouvernement français en faveur de l’Espagne
républicaine. Le conseil des ministres du 8 août constate l’isolement de la
France, qui ne peut s’appuyer en Europe que sur la Tchécoslovaquie et l’U. R.
S. S. Encore faut-il admettre que le gouvernement russe se contente de
prodiguer aux républicains espagnols de bonnes paroles et d’attendre que la
France fasse les premiers pas dans le sens de l’intervention. Les ministres
français, qui acceptent le principe de faire partir pour l’Espagne une
cinquantaine d’appareils destinés de toute manière à l’exportation ne pensent
pas qu’il soit possible d’expédier du matériel d’aviation ou d’artillerie pris
sur les réserves de l’armée. Blum est en droit de penser que, si on continue à
pratiquer cette sorte d’interventions une telle politique ne présentera que des
inconvénients diplomatiques, sans contrepartie notable : les républicains
espagnols ne recevront que peu de matériel et sans doute pas de la meilleure
qualité. Blum
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