La Révolution et la Guerre d’Espagne
l’axe Rome-Berlin, le bolchevisme, est présent en
Espagne ; il s’agit de faire disparaître de la péninsule ibérique
« toute menace communiste » ou même marxiste. L’Axe doit, pour s’affirmer,
dit Ciano à Hitler, « donner le coup de grâce au gouvernement de
Madrid » [314] .
En fait, Rome et Berlin avaient promis d’aider les chefs du Movimiento longtemps avant que n’ait éclaté l’insurrection. Cet appui pouvait à la
rigueur être accepté par les autres puissances tant qu’il ne s’agissait pas d’un
trafic de grande envergure. Mais, le 31 juillet 36, l’annonce que des avions
Savoïa-Marchetti ont atterri par accident en zone française du Maroc, en
dévoilant l’étendue de l’intervention italienne, provoque une violente crise
entre Paris et Rome.
A cet incident s’ajoute la menace que fait peser sur Tanger
l’armée de Franco. Tanger est sous contrôle international, mais entouré par des
territoires ralliés à l’insurrection. Les Français insistent pour laisser la
flotte gouvernementale espagnole utiliser librement le port. Les Italiens
protestent. C’est une première et importante épreuve diplomatique, car l’utilisation
de la base de Tanger permettrait au gouvernement espagnol de gêner
considérablement le passage du détroit de Gibraltar par les troupes venant du
Maroc. Finalement, la neutralité bienveillante de l’Angleterre permettra aux
Italiens d’obtenir satisfaction [315] .
Le rôle modérateur et même favorable au franquisme des
autorités anglaises dans cette affaire reflète bien l’opinion du gouvernement
britannique et la division des pays occidentaux. Ce sont, à n’en pas douter,
ces deux éléments qui vont décider de la politique de non-intervention.
La position française
Sur les origines de la proposition française de
non-intervention, nous sommes assez bien renseignés, en particulier par les
déclarations de Léon Blum en 1947 devant la Commission d’enquête parlementaire,
qui, dans leurs grandes lignes, n’ont jamais été démenties. Nous ne devons pas
oublier cependant que Léon Blum, connaissant la faillite de sa politique
espagnole, cherche moins ici à la défendre qu’à se justifier en tentant de
prouver qu’il n’y avait, au cours de l’été 36, aucune autre politique possible
que la sienne.
Devant le coup de force militaire nationaliste, que Blum
qualifie de « coup de théâtre », la sympathie du gouvernement
français de Front populaire était acquise d’avance au gouvernement républicain
espagnol. Mais cette sympathie pouvait-elle rester platonique ?
Dès le 20 juillet, Blum se trouve devant le problème posé
par la demande d’une aide matérielle que formule le gouvernement Giral :
« Vous demandons vous entendre immédiatement avec nous pour fourniture d’armes
et d’avions. » Ce télégramme n’a rien d’insolite. En dehors de la
communauté d’intérêt des deux formations de Front populaire, il se réfère à un
accord précis, selon lequel la France avait le monopole des fournitures d’armes
à l’Espagne. Non seulement Giral pouvait s’adresser à Paris, mais il s’y
trouvait même obligé par ce traité commercial. Blum n’a eu sur le moment aucune
hésitation. Les entretient qu’il a, entre le 20 et le 22 juillet, avec Delbos
et surtout Daladier, alors ministre de la Défense nationale, n’ont pour but que
de connaître l’importance et les moyens de l’aide à accorder au gouvernement
espagnol. Mais, entre le 22 et le 25 juillet, date du conseil des ministres qui
doit officiellement décider de l’appui français à l’Espagne républicaine,
plusieurs faits nouveaux interviennent.
D’abord un fait de politique extérieure, qui est sans doute
le plus important, parce qu’il a influencé considérablement Léon Blum. Le
président du Conseil français a constaté au cours d’un voyage à Londres, prévu
bien avant les événements d’Espagne, l’hostilité du gouvernement Baldwin à
toute intervention dans le conflit espagnol, hostilité soulignée d’abord par un
avertissement du journaliste Pertinax : « Ça n’est pas bien vu
ici », et confirmée par les conseils de prudence du secrétaire au Foreign
Office, Anthony Eden. Blum en a été désagréablement surpris ; toute sa
politique extérieure est fondée sur l’entente franco-britannique, qui lui
paraît plus nécessaire que jamais face au réarmement allemand. Agir dans l’affaire
espagnole sans
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