La Révolution et la Guerre d’Espagne
Affaires
étrangères italien à l’ambassadeur français de Chambrun, l’Italie pose trois
problèmes,
En premier lieu, que faut-il entendre par
« intervention » ? Est-ce que « la solidarité exprimée au
moyen de manifestations publiques, campagnes de presse, souscriptions,
enrôlement de volontaires… ne constitue pas déjà une bruyante et dangereuse
forme d’intervention » ? Les Italiens soulignent à ce propos l’attitude
des presses française et russe, cherchant ainsi à montrer qu’il s’est constitué
un bloc franco-soviétique contre lequel toute mesure prise serait d’ordre
défensif. De la même manière, quand l’ambassadeur François-Poncet adresse au
ministre des Affaires étrangères allemand des remontrances concernant l’aide
apportée aux rebelles, Neurath lui rappelle sans cesse « les livraisons
faites à l’Espagne ». Les puissances centrales ont marqué un premier
point : accorder son appui au gouvernement légal de l’Espagne est placé
sur le même plan que l’accorder aux insurgés.
La deuxième question italienne tend à faire préciser si l’engagement
pris par les gouvernements liera seulement les États ou bien aussi les
particuliers. Son intérêt réside dans le fait que l’intervention allemande et
italienne s’abritait au départ derrière la fiction de ventes effectuées par des
particuliers ou des sociétés privées.
Enfin le gouvernement italien pose le problème des
« modalités de contrôle ». Cette objection est beaucoup plus
sérieuse. Le projet français de déclaration ne prévoyait en effet que des
« communications entre gouvernements », ce qui ne saurait constituer
un contrôle réel des mesures prises. Ce contrôle était-il possible ? Le
gouvernement français lui-même croyait-il absolument à son efficacité ou se
serait-il contenté d’une affirmation de principe qui aurait rassuré l’opinion
publique et rendu plus gênante une aide spectaculaire aux nationalistes ?
En tout cas, il ne fait guère de doute que ni les Italiens, ni les Allemands n’auraient
accepté un contrôle efficace. Leurs demandes ont essentiellement pour but de
faire traîner les choses en longueur.
Berlin pose également des questions auxquelles le
gouvernement français est incapable de répondre. Comme l’ambassadeur de France
fait état de réponses favorables reçues d’un certain nombre de gouvernements,
belge, anglais, hollandais, polonais, tchèque et surtout soviétique, Neurath
insiste pour que soient obtenues également des promesses des États-Unis, de la
Suède et de la Suisse, sachant que la Suisse se retranchera derrière sa
neutralité et que les U. S. A. se refuseront toujours à une déclaration de
principe qui heurterait nombre de sujets américains. Le gouvernement du III e Reich demande aussi ce qui empêcha le Komintern d’agir, même si la Russie
soviétique a pris, en ce qui la concerne, des engagements internationaux ;
quel contrôle exercer en effet sur un organisme international ? Enfin
comment s’assurer que par la frontière française ne passeront pas des armes et
des volontaires ? « J’ai exposé, écrit le 10 août le comte Velczeck,
que la France en tant que pays frontière, était dans une situation privilégiée
et que l’exportation d’armes aussi bien que le passage des volontaires par les
cols des Pyrénées étaient bien difficiles à contrôler par le
gouvernement » [320] .
En fait, la frontière portugaise est tout aussi importante, mais il ne semble
pas que le gouvernement français ait cru bon de soulever cet argument, sans
doute par crainte de démontrer l’inefficacité ou l’insuffisance de son plan.
En dépit de ces objections, d’ailleurs, il n’apparaît pas que
l’Allemagne ou l’Italie veuillent s’opposer formellement à un accord. Ni l’une,
ni l’autre de ces puissances ne semble, à cette date, vraiment désireuse de
déclencher un conflit européen. L’Allemagne n’est pas encore engagée à fond
dans la guerre espagnole. Hitler ne pense pas qu’une interdiction de principe
puisse gêner considérablement le trafic avec la rébellion. Aussi, le 17 août,
le gouvernement allemand se déclare-t-il prêt à souscrire à l’accord proposé,
sous réserve que la décision sera valable pour les autres États et pour les
entreprises privées.
Pour lever ces objections constamment renouvelées, des
démarches diplomatiques ont été entreprises par la France. La Suisse et
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