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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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républicaine ». Admirateur de la France
bourgeoise, il rêve d’une république d’ordre et d’équilibre, guidée par des
notables, appuyée solidement sur une classe moyenne de paysans propriétaires. L’agitation
ouvrière et paysanne ne le rejette pas dans les bras des conservateurs. Elle le
persuade, au contraire, de la nécessité pour les républicains de mettre en
avant un programme de réformes susceptible de gagner assez de travailleurs pour
enrayer le mouvement révolutionnaire.
    Son premier gouvernement a profondément déçu ceux qui n’attendaient
rien de la monarchie, mais étaient disposés à tout attendre de la République.
La loi agraire s’est attaquée au seul problème des latifundia, négligeant le
drame de la vie précaire des petits paysans. En deux ans, 12 000 paysans
seulement, sur les millions qui ont faim de terre, ont reçu un lot que d’ailleurs
ils doivent payer, car les grands propriétaires sont indemnisés.
    La réforme de l’armée n’a abouti qu’au départ des officiers
républicains, trop heureux de se faire dégager des cadres avec solde entière;
les chefs monarchistes sont restés en place. L’effort du gouvernement Azaña sur
le terrain des réformes sociales a été complètement annihilé par les
conséquences de la crise mondiale sur l’économie espagnole. Sa législation
anticatholique a soulevé contre lui une bonne partie des classes moyennes, sans
entamer sérieusement les citadelles du cléricalisme. Surtout, face à l’agitation
ouvrière et paysanne, l’ordre a été maintenu avec plus de fermeté que contre
les monarchistes. La « Loi de défense de la République » a permis une
répression qui ne le cède en rien en sévérité à celle de la monarchie. La «
garde civile » héritée de la monarchie est restée intacte. Elle a été doublée
par un autre corps de police, recruté parmi les républicains, la « garde d’assaut »,
non moins énergique dans son action contre les ouvriers et les paysans.
    En janvier 1933, sous l’impulsion de militants anarchistes,
les paysans de Casas Viejas, en Andalousie, se sont soulevés et ont proclamé le
« communisme libertaire ». Azaña et son ministre de l’Intérieur, le
galicien Casares Quiroga, portent une lourde responsabilité personnelle dans la
répression qui a suivi : la garde civile a abattu vingt-cinq braceros et
incendié leurs maisons. Quand Azaña quitte le pouvoir, le bilan de sa lutte
contre l’agitation ouvrière et paysanne est lourd. Les prisons sont pleines de
militants révolutionnaires : 9 000, en majorité anarchistes, selon les
documents officiels. C’est cet aspect de son gouvernement qui a permis à un
autre républicain, pourtant aussi modéré que l’est Martinez Barrio, de dire que
le régime qui finit est un régime « de boue, de sang et de larmes ».
    Discrédité après son passage au pouvoir, Azaña retrouvera
pourtant une partie de sa popularité par suite de la persécution de la droite.
Alors qu’il n’a aucunement pris part au soulèvement d’octobre 1934, il est
poursuivi, puis emprisonné : il retrouve ainsi dans l’opposition le
prestige perdu au pouvoir. Chef de la « gauche républicaine », cet homme «
petit et trapu », au teint bilieux et verdâtre, les yeux fixes et sans
expression » [27] ,
que ses adversaires comparent volontiers à un crapaud, est un bon orateur
parlementaire, mais un mauvais tribun. Quarante mille personnes se presseront
pourtant à Comillas, près de Madrid, après sa libération, à un meeting où il
parte en faveur des détenus politiques. C’est qu’il symbolise de nouveau l’union
des républicains et des socialistes, la république parlementaire qui appelle
les travailleurs à la soutenir pour une Espagne rénovée et modernisée libérée
de l’oligarchie.
L’Espagne et le mouvement ouvrier
    C’est sur ce problème que la coupure s’est produite dans les
rangs des républicains bourgeois. Lerroux a choisi l’alliance avec la C.E.D.A.
par crainte de la révolution ouvrière. Azaña et Martinez Barrio ont choisi de s’allier
aux partis ouvriers et de faire faire à l’Espagne l’économie d’une révolution.
Ils estiment que le cadre constitutionnel offre toutes les possibilités de
profondes réformes de structure. Les Cortes, chambre unique élue au suffrage
universel, direct et secret par des citoyens des deux sexes, peuvent, grâce à
la loi électorale qui donne 80 % des sièges aux listes

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