La Révolution et la Guerre d’Espagne
farouches de l’État considéré comme la forme
séculaire d’oppression, les disciples de Bakounine, rejetant « toute
organisation d’un pouvoir politique soi-disant provisoire ou révolutionnaire » [31] , voyaient l’embryon
de la société future, juste et fraternelle dans cette « commune libre »,
si proche des communautés paysannes médiévales, dans laquelle chaque révolté d’Espagne
retrouvait son rêve.
L’anarcho-syndicalisme
L’influence des théoriciens anarchistes, comme le célèbre
pédagogue Francisco Ferrer, et surtout d’Anselmo Lorenzo, celle des
syndicalistes révolutionnaires de la C.G.T. française, se combinèrent pour
amener la naissance, en 1910, à partir des noyaux libertaires catalans, de la Confederacion
nacional del Trabajo, organisation syndicale révolutionnaire que la
répression n’empêchera pas de diriger dès 1917 la grande vague gréviste de
Catalogne.
Un moment tentée de rejoindre l’Internationale communiste,
comme le proposaient deux de ses dirigeants, les instituteurs Andrès Nin et
Joaquin Maurin [32] ,
délégués par elle à Moscou et convertis au communisme, la C.N.T., après les
événements de Cronstadt, reprend ses distances. Dans son bastion de Catalogne,
elle a, dans les années qui suivent, à soutenir une lutte sanglante contre le
gouverneur Martinez Anido : des centaines de militants tomberont sous les
balles des pistoleros et parmi eux, le secrétaire de la C.N.T., Salvador
Segui [33] .
C’est sous la dictature de Primo de Rivera, en pleine
répression, que s’organise, en. 1927, la Federacion anarquista iberica, la
F.A.I., aussi mystérieuse que puissante, et qui, très vite, dominera
complètement la C.N.T. Organisation secrète à l’image de l’Allianza, formée
de groupes d’affinité semblables à des loges maçonniques sous l’autorité d’un
Comité péninsulaire clandestin, la F.A.I. devient très vite l’âme de la
centrale anarcho-syndicaliste.
C’est qu’elle n’est pas seulement un groupe anonyme et
agissant, mais un état d’esprit typiquement espagnol. Ainsi que l’écrit le
syndicaliste français Robert Louzon, familier et sympathisant de l’anarcho-syndicalisme
espagnol : « Le « faillisme », c’est la jacquerie transposée sur le
plan de la lutte ouvrière par la masse paysanne dans laquelle se recrute
naturellement, en Espagne comme ailleurs, l’ouvrier espagnol, et qui est
systématisée, « théorisée » en quelque sorte » [34] . La F.A.I. a fait
sienne la méthode révolutionnaire prônée par l’anarchiste italien Malatesta :
« s’emparer d’une ville ou d’un village, y mettre les représentants de l’État
hors d’état de nuire et inviter la population à s’organiser librement
elle-même ».
C’est sous son impulsion qu’éclatent pendant la République
de brèves révoltes, de violentes flambées locales ou régionales instaurant un
éphémère communisme libertaire : à Llobregat en janvier 32, Casas Viejas
en janvier 33, en Aragon en décembre 33. C’est elle qui tient la C.N.T. à l’écart de toute entente avec les républicains ou les socialistes, qui maintient
dans la propagande de la centrale l’hostilité farouche des anarchistes aux « duperies »
électorales et parlementaires.
La C.N.T.-F.A.I.
Les syndicalistes n’acceptent pas tous volontiers l’emprise
de la F.A.I. A partir de 1931, bon nombre de dirigeants s’insurgent contre la
politique d’aventures et de « putsch » qu’elle impose à la centrale.
Des dirigeants connus, l’ancien secrétaire général Angel Pestaña, le rédacteur
en chef de Solidaridad obrera ,Juan Peiro, Juan Lopez, demandent
le retour à une action plus proprement syndicale, moins de détachement à l’égard
des revendications immédiates, des perspectives d’action à plus longue
échéance. Leur groupe, appelé « trentiste », exclu de la C.N.T., constitue
les « Syndicats de l’Opposition » qui seront influents aux Asturies, au
Levante, dans quelques villes de Catalogne. Les partisans de la F.A.I. les
accusent de s’être ralliés au « réformisme » : ils participent pourtant en 1934
à l’insurrection des Asturies et de Catalogne, tandis que la C.N.T. et la
F.A.I. se tiennent à l’écart.
A la veille de la guerre civile, la F.A.I. semble complètement
incorporée à l’organisme confédéral, comme eu témoignent les initiales toujours
accolées de C.N.T.-F.A.I. et les couleurs rouge et noir du drapeau
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