La Révolution et la Guerre d’Espagne
commun.
Pourtant, derrière Peiro et Lopez [35] qui se prononcent toujours pour l’indépendance des syndicats à l’égard de
quelque formation politique que ce soit – F.A.I. comprise –, les Syndicats de l’Opposition
réintègrent la C.N.T. Le congrès de Saragosse, en mars 1936, réaffirme
solennellement son but, qui est l’instauration du communisme libertaire. L’idéologie
« failliste » a pourtant reculé : la C.N.T. n’a pas lancé, en
février, le mot d’ordre de boycott des élections et les
« trentistes » réintégrés vont plus d’une fois, dans les semaines qui
suivent, faire prévaloir leur point de vue.
Quelles que soient les incontestables difficultés de la
C.N.T., il reste que sa fidélité au principe de la lutte des classes, à celui
de l’action directe [36] ,
lui a conservé une base ouvrière militante et combative ayant à son actif des
grèves très dures : les métallos de la Felguera ont tenu neuf mois et les
ouvriers de Saragosse en 1934 réalisent une grève générale de six semaines.
Surtout, la tradition anarcho-syndicaliste fait du syndicat en Espagne,
beaucoup plus qu’une arme de défense dans la lutte quotidienne, une cellule
vivante de l’organisme social, accaparant souvent tous les loisirs du
travailleur et surtout le moyen révolutionnaire par excellence, l’outil de la
transformation sociale, le groupement de classe, infiniment plus important à
cet égard que les partis politiques.
Cette organisation si agissante a pourtant d’évidentes
faiblesses. Face à la complexité de l’économie moderne, à l’interdépendance de
ses différents secteurs, les théories politiques et économiques de la
C.N.T.-F.A.I. paraissent d’une grande ingénuité. Tout se simplifie à l’extrême
sous la plume des propagandistes qui décrivent l’idyllique « commune »
dont le sacrifice de militants dévoués jusqu’à la mort doit permettre l’éclosion,
puis l’épanouissement. Il semble que, pour certains, rien n’ait changé depuis
Malatesta et qu’il ne soit à leurs yeux pas plus difficile à instaurer pour
toujours, dans tout le pays, le communisme libertaire, qu’il ne l’a été de l’instaurer
pour quelques heures à Llobregat ou à Figols.
Dirigeants anarchistes
: Durruti
Ce ne sont d’ailleurs pas des théoriciens qui font figure de
dirigeants chez les anarchistes. On hésite à situer le rôle de personnalités
aussi différentes que celle de Federica Montseny, oratrice et propagandiste
inlassable, du redoutable publiciste Diego Abad de Santillan – un pseudonyme
clinquant qui dissimule, dit-on, un militant argentin [37] –, ou de Manolo
Escorza del Val, un infirme physiquement débile et moralement implacable, qui
anime dans la coulisse le Comité péninsulaire de la F.A.I. et les Groupes de
Défense de la C.N.T. Car tous sont également représentatifs de ce qu’est, dans
sa diversité, le mouvement libertaire espagnol. Aucun cependant n’atteindra la
notoriété de Buenaventura Durruti.
Durruti est né à Leon le 14 juillet 1896, dans une famille
de huit enfants, d’un père cheminot. A 14 ans, il est mécanicien dans un
atelier de chemin de fer. Participant actif de la grève de 1917, il doit s’expatrier
en France où il travaille trois ans, puis revient en Espagne, se syndique a la
C.N.T. et devient anarchiste. C’est à ce moment qu’il rejoint Barcelone, le
cœur du mouvement. Là, dans le groupe Los Solidarios, il se lie avec
ceux qui seront les compagnons de sa vie de combat. Durruti, Jover, Francisco
Ascaso, « petit homme d’apparence insignifiante » [38] , et Juan Garcia
Oliver, le plus « politique » des quatre, seront les « Trois
Mousquetaires », héros légendaires de l’anarchisme espagnol. Terroristes
et expropriateurs, ils s’emparent d’un fourgon d’or de la Banque d’Espagne pour
financer l’organisation, participent à la préparation de l’attentat contre
Dato, le président du conseil 9bis .
Ce sont Ascaso et Durruti qui, pour venger la mort de Segui, abattront, à
Saragosse, le cardinal Soldevila. Réfugiés en Argentine, accusés de vol et de
terrorisme, ils sont condamnés à mort et doivent fuir de nouveau. Ils
parcourent l’Amérique du Sud avant de se cacher en France, où ils sont arrêtés
au moment où ils mettent au point un attentat contre Alphonse XIII. Ils passent
une année en prison, menacés d’extradition. Libérés à la suite d’une campagne
de la presse de gauche, ils
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