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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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majoritaires dans les
circonscriptions régionales, offrir des majorités stables. Les pouvoirs étendus
du président de la République, droit de choisir et de révoquer le président du
Conseil et droit de s’opposer à une loi, l’existence du Tribunal des garanties
constitutionnelles leur semblent en même temps une garantie contre les
aventures. Ils espèrent, dans ce cadre, terminer l’œuvre, à peine ébauchée en
1931, de construction d’un véritable État libéral, laïque et démocratique, de
régénération de la société par une réforme agraire qui ferait accéder à la
propriété des millions de paysans sans terre.
    Ils ne peuvent espérer mener à bien une telle tâche sans l’appui
du mouvement ouvrier, syndicats et partis. Au cours du siècle, ce mouvement est
devenu une force décisive dont l’influence se fait profondément sentir au cœur
même de l’Espagne, dans le monde paysan. Certes, les paysans d’Euzkadi restent
attachés à leurs traditions et au parti nationaliste, les Navarrais et ceux du
Maeztrazgo forment la base populaire de carlisme, et les petits paysans de
Catalogne et du Levante votent volontiers pour les républicains, de droite ou
de gauche. Mais l’influence des socialistes est importante dans les campagnes
asturiennes, chez les ouvriers agricoles de Vieille Castille, parmi les
fermiers solidement organisés, dans les huertas [28] de Grenade
et de Murcie. Ce sont les anarchistes qui organisent et inspirent les luttes
des subforados [29] de Galice, les révoltes des braceros andalous, les combats des
paysans sans terre d’Aragon... Le mouvement ouvrier est en train de conquérir
la classe paysanne. Il devient à la fois adversaire et enjeu. Par ses
revendications, même les plus modérées, il menace directement les intérêts
vitaux de l’oligarchie.
    C’est parce qu’il est une force terriblement explosive que
la petite bourgeoisie républicaine recherche son alliance et son soutien pour
sa propre politique. Il lui semble indispensable de l’avoir à ses côtés, contre
des adversaires redoutables, pour réaliser, dans les campagnes espagnoles, ce
1789, que le pays n’a pas connu et sans lequel aucun progrès économique et
social sérieux ne lui apparaît possible. Mais le mouvement ouvrier espagnol a,
lui aussi, ses exigences et ses objectifs propres. A la fin de 1935, il semble
prêt à se dresser aussi bien contre les oligarques qui veulent le détruire que
contre les républicains qui songent à l’utiliser.

Le mouvement ouvrier
    Le mouvement ouvrier espagnol a, lui aussi, une physionomie
originale. Dans les autres pays d’Europe, la lutte commencée au sein de la 1 ère Internationale entre les partisans de Marx et ceux de Bakounine a vu la
victoire des premiers, ceux que l’on appelait alors les « autoritaires » ;
ils ont construit les partis sociaux-démocrates affiliés à la IIème
Internationale et les centrales syndicales réformistes. En Espagne, au
contraire, la victoire des « libertaires », les amis de Bakounine
groupés dans la société secrète de l’ « Alliance de la démocratie
socialiste », a eu des conséquences durables, marquant pour longtemps le
mouvement ouvrier espagnol de l’empreinte révolutionnaire des traditions
anarchistes et anarcho-syndicalistes.
Les anarchistes

Les idées de Bakounine
    Rien d’étonnant dans cette victoire : en ce pays agricole où
tant de liens rattachent l’ouvrier d’industrie au paysan sans terre et au
journalier, où la jacquerie, révolte brève et violente, et le banditisme des
hors-la-loi sont la forme séculaire d’explosion des colères et des vengeances
populaires, les idées de Bakounine ont trouvé un terrain favorable.
    A ses yeux, en effet, seul le déchaînement spontané des
forces des opprimés pouvait renverser le capitalisme, l’action énergique d’une
minorité organisée n’intervenant que pour coordonner les initiatives des masses
soulevées contre les forces de répression. A l’action politique des partis,
séduisante dans les pays avancés, Bakounine et ses amis opposaient l’action
insurrectionnelle, le rayonnement de l’exemple révolutionnaire, plus conformes
aux traditions des luttes de classes espagnoles : c’est ainsi qu’ils
attribuaient, dans l’œuvre d’émancipation, un rôle décisif aux « bandits
bien-aimés », aux « anges vengeurs des pauvres » que le paysan
espagnol chérit, même quand il les redoute [30] .
    Adversaires

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