La Révolution et la Guerre d’Espagne
politique » [337] . Les Italiens
veulent « que l’Espagne nationaliste, sauvée par des secours de toute
nature italiens et allemands, demeure étroitement liée à leur système ». D’autre
part l’aspect financier du problème est lié aussi à l’aspect politique.
« C’est seulement si l’Espagne demeure dans notre système que nous
pourrons être complètement indemnisés. » Ce système, c’est l’axe
germano-italien. Mussolini envisage dès ce moment l’entrée de l’Espagne
franquiste dans le pacte Antikomintern.
Mais, sur un plan pratique, les résultats des négociations
politiques entre Rame et Burgos sont minces. L’espoir d’installer des bases
stratégiques en Espagne est déçu. Le seul point important marqué par l’Italie
est l’accord du 28 novembre 36, dont le but est officiellement de
« développer et de renforcer » les rapports entre les deux pays. L’accord
comprend en premier lieu un pacte méditerranéen : les deux puissances
doivent pratiquer une politique commune et se prêter un mutuel appui en
Méditerranée occidentale ; s’y ajoutent un pacte de non-agression, une
promesse de neutralité bienveillante en cas de conflit, enfin une promesse d’entente
économique, sanctionnée par l’application au pays co-signataire d’un tarif
préférentiel. Il n’en est pas mains remarquable que le premier engagement
auquel souscrive l’Italie, en signant le protocole, soit de donner à l’Espagne
« son aide et son appui pour la conservation de l’indépendance et de l’intégrité
du pays, tant de la métropole que des colonies ». C’est l’abandon pour l’Italie
de tout espoir de recevoir, en échange de ses dépenses non remboursées, une
compensation territoriale. « Nous donnons notre sang pour l’Espagne, cela
ne suffit-il pas ? », demande Ciano en mars 38. A vrai dire, l’Italie a donné aussi beaucoup d’argent, en vain.
L’intervention allemande
En ce domaine du moins, la modération allemande contraste
avec l’imprudence du gouvernement fasciste. Certes, l’Allemagne a moins d’intérêt
immédiat en Méditerranée que l’Italie, et pour son gouvernement la victoire totale
de Franco n’est pas absolument nécessaire. Il est sans doute exact que Berlin
ne cherche en Espagne aucun avantage politique, car les Allemands ne se font
aucune illusion à ce sujet : ils n’imaginent pas que le
national-socialisme puisse jamais être introduit en Espagne, et la sympathie
des dirigeants allemands envers Franco restera toujours extrêmement nuancée.
Aussi considérerait-on à Berlin comme une solution satisfaisante un accord qui
éliminerait l’extrême-gauche et éloignerait l’Espagne d’une alliance avec l’Occident.
De même un des intérêts de la guerre est-il de « dévoiler » l’opposition
naturelle qui existe entre l’Italie et la France.
De plus, les milieux militaires n’ont pas une confiance
illimitée dans les capacités des généraux espagnols, y compris Franco. Sur ce
point d’ailleurs, les états-majors italien et allemand sont absolument d’accord
et ne se privent pas pour faire parvenir à Burgos des conseils généralement peu
suivis. En tout cas, la Wehrmacht ne désire pas engager des forces trop importantes
dans une aventure qu’elle considère sans issue.
Sans doute le gouvernement nazi est-il intéressé au succès
final de Franco. Mais son aide en hommes sera toujours assez faible. Selon le
général Sperrle, en novembre 36, 6 500 Allemands sont arrivés à Cadix. Mais
cette arrivée massive est exceptionnelle. Les Allemands ne seront jamais
beaucoup plus de 10 000 hommes. Ce sont souvent des spécialistes et des cadres.
Certains officiers ou sous-officiers sont destinés à former les cadres
espagnols, en particulier à assurer l’entraînement des phalangistes. La lettre
écrite de Salamanque, le 10 décembre 36, par l’ambassadeur Faupel en
témoigne : « Je demande de la façon la plus pressante le plus grand
nombre possible d’officiers ou de sous-officiers parlant espagnol, réservistes.
Je demande qu’on détache le commandant Von Issendorf de l’inspection de la
cavalerie pour prendre la direction de la formation de la Phalange. Egalement
envoyer le commandant en retraite Von Frantzius, de l’Institut ibéro-américain [338] , comme chef d’une
formation d’école d’infanterie, le commandant en retraite Siber pour qu’il
prenne en mains la formation des unités de
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