La Révolution et la Guerre d’Espagne
reprennent leur vie errante refusant l’asile
politique que leur offre l’U.R.S.S. Revenu; en Espagne après la chute de la
monarchie, ils sont de nouveau arrêtés en 1932. Avant sa déportation en
Afrique, Durruti trouvera le moyen d’organiser, de sa prison, le cambriolage
des Juges et la destruction des pièces à conviction d’un procès où sont
impliqués d’autres militants. Relâché, et de retour à Barcelone, il milite au
syndicat du textile lorsqu’éclate la guerre civile.
« Héros indomptable » pour les uns, « tueur »
pour les autres, qui était en vérité cet homme taillé en hercule au visage
terriblement expressif, « une belle tête impérieuse qui éclipse toutes les
autres » [39] ? Selon ses amis il « riait comme un gosse et pleurait devant la tragédie
humaine » [40] .
C’est sans doute pour cela que tant d’amour et tant de haine se sont concentrés
sur ce symbole de l’anarchisme espagnol qui s’écriait, au cœur de la guerre
civile : « Nous n’avons pas le moins du monde peur des ruines... Nous
allons hériter de la terre... Nous portons un monde nouveau, là, dans nos cœurs
et ce monde grandit en cette minute même » [41] .
Les socialistes
L’adversaire de ce mouvement anarchiste incontestablement
original est un mouvement socialiste de type beaucoup plus classique. Le
socialisme espagnol n’est en effet que l’une des branches du socialisme
européen, ses traits spécifiques provenant essentiellement d’un, développement
relativement tardif et de sa position longtemps minoritaire au sein du
mouvement ouvrier.
Les débuts du Parti
Socialiste
Le petit groupe d’« autoritaires » exclus en 1872 par
les amis de Bakounine de la section espagnole de l’Internationale devait être
le noyau du Partido democratico socialsta obrero, fondé en 1879, dans un
café, par cinq amis. Par l’intermédiaire de José Mesa et de Paul Lafargue, le
petit groupe, que dominait la remarquable personnalité de Pablo Iglesias, subit
fortement l’influence de Jules Guesde et de sa rigide orthodoxie marxiste.
Devenu légal en 1881, le jeune parti ne comptait guère qu’un millier d’adhérents
et dut attendre 1886 pour faire paraître son premier organe, l’hebdomadaire El
Socialista. C’est que les conditions dans lesquelles se déroulaient les
élections dans l’Espagne monarchiste, l’absence totale de réformes sociales n’étaient
guère favorables au développement d’organisations socialistes attachées à l’action
parlementaire et municipale et à la lutte pour des réformes, alors que les
anarchistes, déjà majoritaires dans la classe ouvrière, en tiraient pour leur
cause des arguments supplémentaires. Cependant sa situation de minoritaire, la
nécessité d’expliquer inlassablement et de convaincre un à un de nouveaux
adeptes donnèrent à l’organisation socialiste une cohésion et une discipline
remarquables, en même temps qu’une haute conscience de sa mission et une
volonté de préserver la pureté de la doctrine qu’incarne parfaitement la belle
et sévère figure de Pablo Iglesias. En 1888, deux dirigeants socialistes, Mora
et Garcia Quejido, avaient fondé l’Union general de trabajadores (U . G.T.).
Centralisé, modéré et ouvertement réformiste, le nouveau syndicat, fondé avec
un peu plus de 3 000 adhérents, mit plus de onze ans à doubler son
effectif initial.
A partir du début du siècle pourtant, le parti socialiste et
l’U.G.T. perdent leur caractère primitif de sectes pour devenir peu à peu de
véritables organisations de masses. A Madrid, le noyau primitif des imprimeurs
s’est rapidement élargi à toutes les corporations. Le succès des grèves de métallos
de Bilbao, dû à la direction socialiste de l’U . G.T ., y enracine
son influence et crée dans la région un solide bastion. L’institution des Casas
dei Pueblo qui se répand dans cette période va faire des socialistes les
éducateurs de milliers de militants ouvriers. Aussi, avant la grande guerre, l’U.G.T.
gagne-t-elle à peu près partout au détriment des anarchistes, exception faite
de la Catalogne. Elle joue un rôle éminent dans la direction des grèves de
1917, et, en 1918, compte déjà plus de 200 000 adhérents.
Le problème de l’adhésion à la III e Internationale devait secouer durement le parti socialiste. Les événements de
1917 en Espagne avaient semblé donner raison à ceux des socialistes qui
dénonçaient la voie parlementaire
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