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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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russe, chargé sur des bateaux russes
ou étrangers, commence déjà à arriver en Espagne.
Le tournant de l’automne 36
    Il y a donc eu un premier tournant, dû à des facteurs
divers, mais qui, en définitive, ont tous tendu à une modification dans le même
sens de la politique russe. C’est d’abord l’émotion générale suscitée dans le
monde, et plus particulièrement dans les milieux de gauche des pays
occidentaux, par le pronunciamiento franquiste et la réaction populaire. Il
semble impossible que le « pays du socialisme » se tienne à l’écart
du mouvement général d’aide à l’Espagne, sous peine de perdre nombre de ses
partisans de l’extérieur. On répètera avec insistance que les dirigeants des
partis communistes occidentaux, Maurice Thorez notamment, se sont fait l’écho
des inquiétudes des militants devant la défaite imminente du Front populaire
espagnol, lequel, après l’échec des forces de gauche en Italie et en Allemagne,
avait suscité chez eux de grandes espérances.
    Mais surtout, malgré la modération dont a fait preuve le
gouvernement de Moscou, le conflit espagnol a pris une trop grande extension
pour qu’il puisse continuer à se tenir à l’écart. L’intervention des nazis et
surtout des fascistes italiens est trop évidente : la victoire du général
Franco apparaîtrait aux yeux de tous comme leur victoire, et par suite, comme
un échec de la politique de l’U. R. S. S. Aussi bien l’intervention russe
cherche-t-elle à cette époque à apparaître, aux yeux des gouvernements de
Londres et de Paris, comme une action en faveur du statu quo européen,
au service de la démocratie et de la paix [352] .
    Il convient aussi, peut-être, d’indiquer une raison de
politique intérieure : l’épopée espagnole détourne l’attention d’une
partie de l’opinion militante en U. R. S. S. des purges qui sont en train de
frapper les adversaires de Staline [353]  ;
en outre, sous le couvert de l’aide à la République espagnole, il est possible
de demander aux travailleurs russes un effort supplémentaire de production qui
ne manquera pas de contribuer à la réalisation des objectifs fixés par le plan
quinquennal de 1933.
    Quoi qu’il en soit, la décision d’intervenir en Espagne a
été annoncée début septembre, selon Krivitsky, lors d’une conférence de hauts
fonctionnaires réunie à la Loubianka et à laquelle assiste Orlov, qui sera un
des représentants officieux, mais tout-puissants, de la police de Staline en
Espagne. Comme cette décision est contraire aux principes affirmés par l’U. R.
S. S. et les autres puissances du Comité de non-intervention, elle doit rester
la plus discrète possible ; des sociétés privées sont créées, dès le début
de ce mois, qui se chargeront des achats et du transport des armes, à partir de
la Russie, par Odessa, vers l’Espagne.
L’aide matérielle
    Les départs vont se succéder, d’octobre 1936 à février-mars
1937, à la cadence de trente à quarante bateaux, de tonnage variable, par mois.
Les envois de vêtements et de ravitaillement, déjà importants avant octobre,
augmentent avec l’extension considérable de l’activité du « Comité
intérieur d’aide au peuple espagnol ». L’U. R. S. S. envoie de l’essence
et des camions, ce que n’interdit pas du reste le pacte de non-intervention,
mais surtout des armes et des avions. Plus de 50 % des avions utilisés par les
républicains entre août 36 et avril 37 sont venus d’U. R. S. S. Selon un
document du département d’État américain, au 25 mars 37, sur 460 appareils
républicains, il y aurait 200 avions de chasse, 150 bombardiers et 70 avions de
reconnaissance russes. Ce sont surtout des bombardiers Katiousha et des
chasseurs 1. 15 et 1. 16, supérieurs aux premiers appareils allemands, mais
bien inférieurs aux Messerschmidt. La quasi-totalité des tanks est également d’origine
russe : les chars de 12 et 18 tonnes sont rapides et bien armés [354] . Ils ne seront
cependant pas assez nombreux et la plupart du temps mal utilisés, quoiqu’ils
constituent un matériel de valeur au moins égale à celui des adversaires, venu
d’Allemagne et d’Italie. Les canons, dont la fourniture sera modeste, sont
surtout des 76 de campagne et des canons lourds qui manquent à l’armée
républicaine.
    Du reste, tout le matériel venu de Russie n’est pas amené
par des navires russes, et n’est pas forcément du matériel russe. Il

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