La Révolution et la Guerre d’Espagne
sérieuses leçons de l’expérience de
la guerre : utilisation massive de l’artillerie, nécessité de manœuvres en
profondeur adaptées aux nouvelles techniques du combat, utilisation des
partisans contre une armée organisée. Bon nombre de cadres militaires russes
ont fait en Espagne un stage plein d’enseignements.
Il est nécessaire en contrepartie de souligner d’emblée que,
sans l’apport du matériel russe, la résistance républicaine n’aurait pu se
prolonger au-delà de l’année 36.
La Russie de Staline et la guerre d’Espagne
Cette aide indispensable n’a cependant jamais été
suffisante. Les troupes républicaines n’ont cessé de manquer de matériel d’aviation,
d’armes antiaériennes, et même d’armes légères, durant toute la durée du
conflit. Partant de cette constatation, il est impossible de présenter comme un
effort de solidarité sans réserve un secours qui a été longtemps suffisant pour
permettre de poursuivre la lutte, mais qui, s’il avait été plus généreux,
aurait sans doute permis de faire pencher définitivement la balance en faveur
de la République espagnole. Cette constatation a même conduit des hommes
politiques et notamment d’anciens communistes espagnols à prêter aux dirigeants
russes un machiavélisme extraordinaire, supposant finalement à la politique de
Staline une simplicité et une continuité [351] qui sont constamment démenties par les faits au cours de cette période.
En réalité, sans envisager d’autres problèmes que ceux posés
par le conflit espagnol, il est possible de relever trois attitudes successives
dans la politique de l’U. R. S. S. au cours de cette période :
d’abord, une
position de neutralité de fait, accompagnée d’ostensibles témoignages de
sympathie et de solidarité,
à partir d’octobre
1986, un effort considérable d’aide militaire qui correspond à une prise de
position vigoureuse en faveur de la République au Comité de non-intervention,
enfin, à partir
de l’été 38, un ralentissement progressif de l’aide militaire qui aboutit à l’abandon
total de la République.
La neutralité initiale
Pendant les premiers mois du conflit, l’U. R. S. S. refuse d’intervenir
en faveur de la révolution espagnole. Le gouvernement de Staline n’a en effet
aucune raison d’encourager ni d’aider les organisations révolutionnaires, C. N.
T. -F. A. I. ou P. O. U. M., dont le rôle est à ce moment essentiel et qui n’ont
pas pour son régime politique une particulière sympathie. En outre, il n’existe
pas encore de relations diplomatiques entre l’U. R. S. S. et l’Espagne ;
il est question de les établir, mais cinq ans de république n’ont pas suffi
pour aboutir à un résultat aussi mince. Enfin, l’Espagne n’est, aux yeux de
Staline, qu’un élément très secondaire dans une situation internationale
inquiétante. La Russie ne veut être en flèche dans aucun conflit. Elle craint l’isolement,
vit encore sur le souvenir des années d’après-guerre qui ont dressé contre le
« bolchevisme » toutes les puissances européennes, les États-Unis, le
Japon, sur l’échec de la révolution en Hongrie et en Allemagne. Avec Staline,
renonçant à l’extension de la Révolution mondiale, elle s’efforce de bâtir le
« socialisme dans un seul pays », et, en même temps, de se protéger
par un système d’alliances extérieures. L’avènement d’Hitler est une menace
directe. La conclusion du pacte franco-soviétique (pacte Laval-Staline) en 1934
est une riposte, un premier pas vers la sécurité. Cette alliance reste pourtant
fragile et ne peut être considérée comme efficace qu’à la condition d’être étendue
à la Grande-Bretagne, qui ne semble guère y être disposée. L’attitude hésitante
du gouvernement Léon Blum et finalement sa prise de position en faveur d’une
prudente neutralité ne sont certainement pas faites pour encourager Staline à
se jeter, en Espagne, dans une aventure hasardeuse. Aussi, lorsqu’est lancée la
campagne de non-intervention, l’U. R. S. S. s’y associe-t-elle sans hésitation.
Le 31 août est publié à Moscou, comme en Occident, le décret interdisant
« l’exportation, la réexportation, et le transit en Espagne de toutes les
sortes d’armes, de munitions, de matériel de guerre, d’avions et de navires de
guerre ». En fait, ce décret ne sera respecté que pendant un mois au
maximum. Au milieu d’octobre, le matériel
Weitere Kostenlose Bücher