La Révolution et la Guerre d’Espagne
guerre, c’est pour réaliser un grand idéal, pour que l’Espagne
puisse reprendre la devise de la monarchie : « Une, grande,
libre ». En attendant, à défaut de puissance réelle les nationalistes
doivent se contenter d’affirmations de principe et de gestes symboliques, comme
le rétablissement de l’ordre d’Isabelle la Catholique, dont le chef de l’État
devient le grand maître. Ces décorations, les cérémonies qui commémorent les
« glorieux » anniversaires, la mort de Calvo Sotelo, le soulèvement
du 18 juillet, sont destinés avant tout à entretenir la volonté de lutte de l’armée
nationaliste.
L’Armée nationaliste
L’esprit de sacrifice, la valeur militaire des troupes
nationalistes sont incontestables. Il arrive que les alliés italiens ou
allemands discutent les décisions du commandement espagnol ou l’insuffisante
préparation des troupes engagées : ils ne se plaignent jamais d’un manque
de courage. Il est nécessaire, dans une guerre de plus en plus acharnée. Selon
le général Walch, en 1938, la « durée moyenne d’un lieutenant sorti de l’Ecole
militaire » est de 43 jours. Les cadres conservent cependant leur valeur,
car un effort particulier a été fait en ce domaine. Le recrutement, l’organisation
et la formation de la troupe ont été confiés depuis fin 36 au général Orgaz.
Son premier soin a été de créer des écoles et des cours de formation d’officiers.
Les académies militaires se multiplient : il en existe trois d’infanterie,
une de cavalerie, une d’intendance, une enfin du génie [458] . Les
spécialistes sont plus difficiles à recruter : en janvier 37, on mobilise
les radiotélégraphistes ; puis on crée une Ecole de l’air ; on
distribue libéralement primes de « vol » et d’« aérodrome ».
Il n’y aura jamais de mobilisation générale : on peut
encore rencontrer, en zone nationaliste, des hommes jeunes en civil. Au début,
il est certain que le gouvernement a hésité avant de faire entrer dans l’armée
une masse d’hommes politiquement hésitante, et même hostile dans certaines
régions. La supériorité de l’armée de métier paraissait alors suffisante pour
que le recours à une mobilisation puisse être évité. Au moment de la grande
bataille devant Madrid, l’armée nationaliste n’a guère plus de 250 000 hommes,
dont une partie importante est constituée par la légion étrangère et les
troupes « maures ». Le recrutement marocain restera important,
facilité par la souplesse du général Franco vis-à-vis des indigènes. Le
Caudillo a toujours pris soin de distinguer les lois applicables à la métropole
et celles qui sont créées pour la zone rifaine. S’il a pris pour les troupes
maures quelques dispositions particulières de discipline, comme l’interdiction
de fréquenter les cabarets, il a pris aussi des mesures spéciales de secours
financiers pour les blessés et leurs familles. Ancien soldat de la guerre du
Rif, il a su s’attacher ses troupes, il y choisit sa garde d’honneur. Il ne perd
jamais de vue les nécessités d’un large recrutement militaire au Maroc et
ménage constamment les nationalistes marocains malgré de fracassantes
affirmations de principe sur la Nation et l’Empire.
Cependant, à partir de 37, l’armée se renforce. La formation
d’une armée « rouge » capable de se battre oblige les nationalistes à
lever de nouvelles troupes. Au moment de la bataille de Teruel, l’armée
franquiste comprend 600 000 hommes ; depuis fin 37, elle a achevé la
fusion en une force unique des troupes régulières et des milices. Dans les
nouvelles milices du Parti unique, on a fait entrer 66 banderas de la
Phalange, 31 tercios de requetes et 36 bataillons d’organisations
politiques diverses. Le nouveau chef des milices, le colonel Monasterio, un des
chefs de l’armée du Sud, avait pris une part importante aux premiers combats.
Ainsi ont disparu, non seulement les partis politiques, mais les possibilités
pour eux de ressusciter un jour comme forces de combat.
Le Parti, l’Église, l’Armée : ce sont les trois forces
de l’Espagne nouvelle, les piliers de l’État national-syndicaliste. C’est un
État totalitaire, qui brise les oppositions, dispose d’un remarquable appareil
policier, impose l’obéissance d’une puissante « bureaucratie d’État ».
Mais ce n’est pas une puissance fasciste. Du fascisme, il n’a gardé que les
formes, les cadres,
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