La Révolution et la Guerre d’Espagne
« l’odieux
matérialisme ». Il s’agit d’une éducation en profondeur qui ne s’arrête
pas aux partes de l’écale. Il ne suffit pas que les enfants assistent en groupe
à la messe, sous la conduite de leurs maîtres. Les recommandations faites aux
inspecteurs de l’enseignement primaire leur rappellent que l’Ecale est une
institution qui permet d’« exalter l’esprit religieux » et qui est
« éducatrice et formatrice de bons patriotes », que la jeune fille
enfin doit y apprendre « sa fonction élevée dans la famille et le
foyer ».
Ainsi se trouvent constamment liées les formes d’éducation
religieuse, civique et patriotique. Pour entretenir cette atmosphère, il est
recommandé d’utiliser des « chants populaires, hymnes patriotiques et
biographies » ainsi que la « lecture des journaux, les commentaires
de faits actuels », ce qui est évidemment une originale conception de l’étude
de l’histoire. Et, comme cette éducation s’adresse à tous, on apprendra
aussi, dans des « classes d’adultes », ce qu’est le « Mouvement
national ».
Le but de toutcela : donner l’idée que la vie
est « combat, sacrifice, discipline, lutte et austérité ».
Mais la discipline promise à tous doit être imposée à tous.
La société nationaliste est chrétienne et hiérarchisée. Le serment de fidélité,
prêté selon des formules diverses, en est le témoignage. Ainsi les magistrats
entrant en charge prêtent serment debout devant le « saint
Crucifix ». A la formule : « Jurez-vous devant Dieu et devant
les saints évangiles une adhésion inconditionnelle au Caudillo d’Espagne, de
rendre une justice honnête et impartiale, d’obéir aux lois et dispositions se
rapportant à l’exercice de votre charge sans autre mobile que le fidèle
accomplissement de votre devoir et le bien de l’Espagne ? », le juge
répond par la formule consacrée.
La formule des serments d’académiciens est plus originale et
plus symbolique encore. Devant un bureau où sont disposés « un exemplaire
des Evangiles dans le texte de la Vulgate » (couverture ornée du signe de
la croix) et « un exemplaire de Don Quichotte » (couverture ornée du
blason de la Phalange), l’académicien doit jurer « devant Dieu et son ange
gardien » de « servir toujours et loyalement l’Espagne, sous l’autorité
et la règle de sa vivante tradition, de sa Catholicité qu’incarne le Pontife
romain, de sa continuité représentée par le Caudillo ».
L’« Hispanité »
La fondation de l’Institut d’Espagne répond à un double
but : conserver les richesses nationales, préserver et diffuser la
tradition. Si son président est le grand musicien Manuel de Falla, la liste des
présidents d’Académies est révélatrice d’un état d’esprit, puisqu’y figurent
les représentants les plus éminents de l’opinion conservatrice :
Pemartin, le duc d’Albe, le comte de Romanones, Goicœchea.
Par la fondation de l’Institut, la protection accordée aux arts doit redonner à
l’Espagne un prestige tel qu’elle reprenne rapidement la tête de toutes les
nations de langue espagnole. L’« Hispanité » doit se réaliser dans l’union
de l’Espagne et des États hispano-américains. On recommande aux étudiants du S.
E. U. de faire tous leurs efforts pour nouer des liens avec ceux d’Amérique
latine. Ainsi commence à se réaliser la vocation impériale, ce thème favori des
phalangistes. C’est dans cet esprit que sont fondés l’ordre d’Alphonse X le
Sage, destiné à récompenser les Espagnols « qui se sont distingués dans
les sciences, l’enseignement, les lettres ou les arts » et l’ordre
« impérial des Flèches rouges » qui, de façon plus vague, doit
« récompenser le mérite national ». Certes, une telle politique
comporte des dangers et notamment celui de mécontenter des alliés. De jeunes
phalangistes ont manifesté bruyamment leur désir de reconstituer une grande
puissance ibérique, ce qui ne pouvait manquer d’indisposer le Portugal. Mais le
gouvernement nationaliste a pris soin de limiter ces excès de langage.
C’est donc plus par un jeu de l’esprit que par une réalité
vivante que l’Espagne de Franco se présente comme succédant à l’Espagne des
rois catholiques, de Charles Quint et de Philippe II. Il convient de donner à
tous les Espagnols la conviction que, s’ils acceptent les souffrances et les
difficultés de la
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