La Révolution et la Guerre d’Espagne
l’appel au nationalisme, simple moyen de détourner les
esprits vers des rêves de grandeur et de conquête, car l’Espagne, pauvre avant
la guerre, ruinée après, ne peut que rêver de grandeur sans espérer l’atteindre.
Quant aux réalisations « sociales » – telles qu’il en existe en
Italie et surtout en Allemagne -, il n’en est pratiquement pas question ici.
Les œuvres dites sociales sont des œuvres de charité. Les conditions de vie
ouvrière et paysanne sont toujours aussi mauvaises. La réforme agraire
indispensable n’est même pas envisagée.
C’est qu’en réalité, derrière la dictature de l’Église et de
l’Armée, derrière la dictature de Franco, il y a la domination d’une classe, ou
plus exactement d’une caste sociale. L’Espagne de Franco, c’est l’Espagne de
grands propriétaires, de l’ancienne aristocratie, l’Espagne des oligarques. L’Armée
et le Parti ne sont que les instruments de leur autorité et ils exercent le
pouvoir avec d’autant plus de rigueur qu’ils ont eu peur de le perdre lorsque
la révolution a soulevé la masse populaire et qu’il leur a fallu lutter
longtemps et durement pour l’emporter. A la fin de l’année 37, malgré les
succès obtenus, ils n’ont pas encore la certitude de la victoire.
Teruel , tournant de la guerre
On a pu assister, dans le courant de l’année 37, à une
évolution politique parallèle dans les deux camps. A Valence comme à Burgos, le
pouvoir fort l’a emporté sur les éléments de dispersion, l’autorité régulière
sur les partisans du « mouvement ». L’évolution ainsi amorcée semble
irréversible. On ne peut envisager un brutal renversement politique en zone
nationaliste après la mise au pas des Camisas viejas pas plus qu’en
Espagne républicaine après les Journées de mal. On en est ainsi revenu aux
conditions d’une guerre de type traditionnel. L’examen des événements survenus
sur le plan militaire révèle cependant une évolution défavorable au
gouvernement de Valence.
Les conditions de l’offensive
Il est incontestable que la situation militaire, à la fin de
l’année 37, est très inquiétante pour les républicains. L’impression qui
domine, après la chute du Nord, est celle d’une totale impuissance. Toutes les
tentatives pour limiter la portée des succès nationalistes ont en définitive
échoué. Il y a eu, sans doute, un effort d’organisation ; Rojo dénombre
cinq corps d’armée instruits, préparés à la guerre. Mais leur équipement reste
insuffisant, et, surtout, ils manquent de confiance en leurs moyens. La fin des
combats dans les Asturies va d’autre part libérer des troupes nationalistes
nombreuses et bien entraînées.
Ces renforts vont profondément modifier l’équilibre des
forces dans la partie du front où ils seront employés. Franco dispose en effet
maintenant de près de 600 000 hommes, dont le tiers environ peut être gardé en
réserve. Les forces navarraises, qui seules ont conservé jusqu’alors leur
répartition originale en brigades, ont été réorganisées en divisions à partir
du 9 novembre.
Des trois secteurs que les nationalistes peuvent choisir
pour lancer une nouvelle offensive, deux sont tenus par des effectifs peu
importants, celui du Sud, que dirige toujours Queipo, et celui du Nord,
commandé par Davila. La concentration de troupes la plus importante se trouve
autour de Madrid. Il apparaît donc à l’état-major nationaliste qu’un succès,
pour être définitif, doit être remporté dans ce secteur, de très loin le plus
important. Pour la première fois depuis Guadalajara, Franco s’estime en mesure
de frapper un grand coup en direction de la capitale. Il n’est pas question
pourtant d’une offensive frontale qui risquerait d’aboutir à un échec devant
une défense bien organisée, et entraînerait, en tout cas, des pertes énormes.
Mieux vaut donc revenir au principe d’une action tournante ; l’offensive
doit être aussi large que possible pour utiliser au maximum la supériorité
numérique et matérielle dont disposent les nationalistes. Il est prévu une
« manœuvre convergente » sur Alcala de Henarès. Le corps d’armée
marocain, selon Diaz de Villegas, descendrait le long du Henarès, le C. T. V.
progresserait le long du Tajuna et le corps d’armée de Castille le long du
Tage. Cette vaste manœuvre suppose naturellement une assez longue
préparation ; de plus, une concentration de troupes
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