La Révolution et la Guerre d’Espagne
de l’ « Alliance
ouvrière », front unique des partis et syndicats ouvriers, à laquelle les
communistes et la C.N.T., sauf aux Asturies, refusent de se joindre. Lors de la
grève générale d’Octobre 1934, contre l’arrivée de la C.E.D.A. au gouvernement,
c’est l’Alliance ouvrière, à laquelle le P.C. se rallie au dernier moment, qui
dirigera le soulèvement révolutionnaire des Asturies. Pendant plus d’une
semaine, avec un armement de fortune, sous la direction de militants des
différentes organisations, les mineurs se battent contre l’armée et les troupes
de choc, Maures et Tercio ,que commande le général Lapez Ochoa.
Le mouvement échoue dans le reste de l’Espagne, en Catalogne par suite de la
trahison de certains catalanistes, des hésitations de l’Esquerra et surtout du
fait de l’abstention de la C.N.T., à Madrid faute d’une préparation sérieuse.
La répression qui s’ensuit – plus de 3 000 travailleurs tués, la plupart
abattus sur place, 7 000 blessés et plus de 40 000 emprisonnés – ne parvient
pas à écraser le sentiment révolutionnaire qui avait inspiré le mouvement. L’insurrection
des Asturies deviendra aux yeux des travailleurs espagnols, anarchistes aussi
bien que socialistes, une épopée exemplaire, la première tentative des ouvriers
pour prendre le pouvoir par des organismes de classe, leurs comités
révolutionnaires, de dresser leurs troupes, les ouvriers armés, en un mot leur
propre État contre l’État de l’oligarchie. Son mot d’ordre: « U.H.P.» (Union
des frères prolétaires) devient celui de toute la classe.
Emprisonné, Caballero, ce vieil homme, ce « praticien », cet
administrateur du mouvement ouvrier, se met à lire pour la première fois. A 67
ans, il découvre les classiques du marxisme, Marx et Engels, Trotsky,
Boukharine, Lénine surtout. Il s’enthousiasme pour L’État et la Révolution et
pour la révolution russe qu’il avait si vivement combattue. Ces lectures, l’influence
du brillant état-major d’intellectuels qui l’entourent, Araquistain, Alvarez
del Vayo, Carlos de Baraibar, renforcent encore les conclusions tirées de sa
propre expérience. A ses yeux sont morts aussi bien le « socialisme
démocratique réformiste et parlementaire de la II e Internationale
que le socialisme révolutionnaire dirigé de Moscou de la III e ». Il
songe à une IV e Internationale qui prendrait à ses devancières ce qu’elles
ont eu de meilleur, l’autonomie des partis nationaux de la II e , la
tactique révolutionnaire de la III e . Il multiplie les avances à la
C.N.T. et accueille favorablement celles que lui font les communistes qu’attirent
plus, en réalité, ses prises de position en faveur de l’ « unité »
que les perspectives révolutionnaires qu’il a si fraîchement découvertes.
Or son évolution est la même que celle de larges masses d’ouvriers
et de paysans, comme lui déçus par la République et le réformisme, comme lui
gagnés à la Révolution, même et surtout après l’échec d’octobre 1934. Largo
Caballero sera leur homme. Aucun dirigeant ouvrier n’aura un prestige
comparable à celui dont il jouit et que les communistes tenteront d’utiliser en
le surnommant le « Lénine espagnol ». Jean-Richard Bloch nous en a laissé un
portrait attachant : « 67 ans, une vieillesse robuste... la tête
« chauve... carrée, la face massive, le front obstiné, la « bouche amère,
le modelé de la figure beau et fin dans sa « farce, les yeux clairs...
terriblement las » [43] .
Médiocre écrivain, orateur assez terne, il doit sa
popularité au fait qu’il est un dirigeant d’origine ouvrière, d’une honnêteté
et d’une austérité de vie incontestables. Des milliers de travailleurs se
reconnaissent en lui : en tournant le dos au réformisme, il a accompli la
même démarche qu’eux. Il est des leurs : « Il ne nous trahira pas »,
répètent ses fidèles. Il est l’homme de la Casa del Pueblo, l’idole des
travailleurs madrilènes qui l’écoutent avec passion, le « vieux »,
comme ils disent affectueusement. Homme des masses, son autorité sur elles en
fera, aux heures décisives, un des hommes-clés de la scène politique espagnole.
Indalecio Prieto
Depuis 1919, Indalecio Prieto est dans le parti socialiste
le rival de Larga Caballero. En 1936, il est le seul dirigeant socialiste dont
l’autorité soit comparable à la sienne, sinon dans les masses, du moins dans
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