La Révolution et la Guerre d’Espagne
les gouvernements anglais et français cherchent à
obtenir la participation de l’Italie elle-même à l’accord. Peut-être, en s’adressant
à l’Italie et non à l’Allemagne, a-t-on espéré opposer les deux
puissances ; c’est mal comprendre une alliance fondée à la fois sur des
intérêts complémentaires et sur un besoin mutuel de sécurité : l’Italie
peut participer au contrôle méditerranéen sans affaiblir l’axe Rome-Berlin.
Sollicitée, elle pose une condition : égalité avec la France et l’Angleterre
dans le contrôle. « Nous passons, écrit Ciano dans ses Mémoires, du rôle
de lanceurs de torpilles qu’on nous avait attribué à celui de policiers de la
Méditerranée, alors que les Russes, coulés au fond, sont exclus du
contrôle. »
Pas plus que le bombardement d’Almeria, la piraterie
italienne n’a pu finalement décider les Occidentaux à accomplir un geste
favorable à la République espagnole. L’isolement politique de la Russie, qu’avaient
déjà marqué les discussions de Londres, s’est encore accentué ; c’est un
des motifs, sans aucun doute, du tournant diplomatique que va prendre Staline,
convaincu qu’il n’a rien à attendre des démocraties occidentales. Tel est l’aboutissement
de la politique pacifiste de la Grande-Bretagne.
Le triomphe de la politique Chamberlain
La politique anglaise, depuis le commencement de la guerre
civile, n’a guère été favorable au gouvernement républicain. Eden, pas plus que
Baldwin, n’a montré la moindre compréhension à l’égard des demandes de l’ambassadeur
Azcarate. Du moins le gouvernement britannique a-t-il respecté les formes de la
plus stricte neutralité. Mais les conservateurs anglais ne sont pas plus
favorables que les partisans de Franco à ceux qu’ils considèrent toujours comme
des « rouges ». Au début, ils songent surtout à limiter les dégâts en
ménageant une médiation qui permettrait d’obtenir une paix de compromis. Cette
paix ne pouvant être garantie que par une entente internationale, plus
exactement par une entente méditerranéenne, le but de la diplomatie anglaise
sera donc d’assurer la paix en Méditerranée en y maintenant le statu quo.
Ces vues ne s’opposent nullement à celles de Franco qui,
face à ses alliés italiens, fait même un impératif du maintien de l’intégrité
du territoire espagnol. Dès la fin de 1936, les entretiens Ciano-Drummond
précisent que rien ne sera fait qui puisse modifier la situation existant en
Méditerranée. Sans doute la crise engendrée par la piraterie en Méditerranée
a-t-elle interrompu les relations anglo-italiennes. Mais elles seront reprises
en novembre 37, sur l’initiative du Premier britannique Chamberlain. Le 16
novembre, le gouvernement anglais s’est décidé, pour la « protection de
ses intérêts », à reconnaître de facto le gouvernement de Burgos.
Il envoie donc un représentant en Espagne nationaliste,
Robert Hodgson, qui exerce en fait les fonctions d’ambassadeur ; de même,
les « agents » installés dans les villes espagnoles auront en fait
rang de consuls. Franco se fait représenter en Grande-Bretagne par une des plus
hautes personnalités du régime, le duc d’Albe, qui arrive à Londres le 22
novembre. Cet échange de plénipotentiaires annonce un rapprochement, déjà
amorcé dans le domaine commercial, entre l’Angleterre et l’Espagne
nationaliste. La conquête du Nord, où les Anglais ont de gros intérêts, a sans
doute été le fait déterminant qui explique cette évolution. Hodgson ne tarde
pas à avoir, à Burgos, une influence réelle, et les efforts pour aboutir à une
paix de compromis visent dès lors à garantir la victoire franquiste dans les
conditions les moins violentes possibles.
Mais là commencent les divergences entre les dirigeants
anglais. Si tous, considèrent que la victoire de Franco est inévitable et qu’après
tout elle est utile, il se trouve au sein du gouvernement une minorité, dont le
représentant le plus influent est Anthony. Eden, pour penser qu’une entente
avec le fascisme en Méditerranée est une duperie. La mise en application d’un
accord diplomatique entre l’Angleterre et l’Italie suppose l’élimination de
cette minorité. Après une entrevue entre Grandi, ambassadeur d’Italie à
Londres, Eden et Chamberlain, l’opposition entre ces deux derniers devient
évidente, notamment sur la question des volontaires étrangers en Espagne.
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