La Révolution et la Guerre d’Espagne
d’avoir
rendu possible la continuation de la guerre une année de plus. » Negrín et
Del Vayo pensent en effet, en avril 38, que le seul fait de « tenir »
donne encore à la République une chance de vaincre. Tous deux croient que la
guerre européenne est proche et qu’elle peut sauver l’Espagne. A une condition
cependant : que ne soit pas auparavant consommé l’abandon de la
République.
L’abandon de la République
La mise en application du plan de non-intervention, le 19
avril, malgré un retard considérable, donne de grands espoirs aux gouvernements
occidentaux ; pour la première fois, une coopération efficace semble sur
le point de s’établir et d’apporter une solution au problème posé par l’internationalisation
de la guerre ; pour la première fois, un contrôle va fonctionner, qui
permettra au moins de localiser le conflit. Certes, si l’on avait pu obtenir
une application loyale du contrôle par tous les intéressés, les difficultés
inhérentes à toute coopération internationale auraient pu être finalement
vaincues. Mais, dès les premiers jours, la mauvaise volonté des puissances de l’Axe
se manifeste de façon éclatante. Elles n’ont en effet accepté le contrôle,
après avoir fait traîner en longueur les pourparlers, que dans l’espoir de voir
la guerre se terminer rapidement. Après Guadalajara, la prolongation de la
guerre remet en question tout le système péniblement élaboré par le Comité de
Londres. Si aucun incident grave ne vient perturber le contrôle terrestre, d’ailleurs
fort lâche, la surveillance maritime donne lieu en revanche à de violentes
querelles.
L’affaire du « Deutschland »
Avant même la mise en application du système de contrôle,
divers incidents s’étaient déjà produits, et des bateaux anglais ou français
ont été arraisonnés. Mais les seules conséquences en ont été des notes de
protestation de la part des gouvernements intéressés [474] . L’affaire du Deutschland va prendre une autre ampleur.
Les puissances qui doivent participer au contrôle ont envoyé
en Méditerranée des navires de guerre. Ceux-ci se ravitaillent dans des ports
espagnols amis. Ainsi la base maritime d’Ibiza, dans les Baléares, sert de
point de rassemblement aux navires de guerre allemands. Après divers incidents
qui se produisent en mai 37, le croiseur allemand Deutschland est atteint
assez sérieusement au cours d’une attaque d’Ibiza par l’aviation
républicaine ; il y a des morts et des blessés. Le gouvernement de Berlin
réagit vigoureusement : Il ne se contente pas, pour sa part, d’une note
remise aux puissances chargées du contrôle ; il tient à profiter de l’occasion
pour faire une démonstration de force.
Une action navale de l’Allemagne dans les premiers mois de
la guerre civile aurait pu provoquer un conflit général ; mais, en ce
début d’été 37, l’atmosphère est à la détente. La Grande-Bretagne et la France
ont déjà fait assez de concessions ; elles ne croient plus à une guerre
mondiale dans l’immédiat.
Le 31 mai, trois navires de guerre allemands, le cuirassé Admiral-Scheer et deux torpilleurs, vont, sur ordre de Berlin, bombarder le port d’Almeria.
Cette canonnade est présentée comme une simple opération de représailles. Mais
il n’existait pas de commune mesure entre les deux événements : d’un côté,
un bombardement effectué à l’intérieur d’une zone de guerre sur un territoire ennemi,
de l’autre une opération spectaculaire volontairement conduite par une
puissance neutre et prenant la forme la plus choquante, celle d’une attaque
contre une ville mal défendue. Il s’agissait en fait d’une véritable agression
commise par une des grandes puissances chargées du contrôle maritime.
On pouvait s’attendre à des réactions violentes, tant de la
part des républicains espagnols que des démocraties occidentales. Le ton de la
presse monte. A Valence, le Conseil des ministres de la République espagnole
entend Prieto, ministre de la Défense, proposer de faire attaquer la flotte
allemande en Méditerranée par des avions de bombardement. Une telle riposte
signifie la guerre contre l’Allemagne. Prieto le sait, mais il espère qu’il s’ensuivra
une guerre européenne, seul moyen selon lui de sauver l’Espagne. Cependant la
plupart des membres du gouvernement républicain [475] refusent de
prendre la responsabilité d’un tel conflit. Finalement la
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