La Révolution et la Guerre d’Espagne
qu’un conflit européen remettra en question tous les succès
acquis jusqu’ici. Et les représentants des deux Espagne sentent parfaitement
que leur sort se joue au-delà des frontières.
Une fois de plus, le recul des puissances occidentales va
décider du sort de l’Espagne. En août-septembre 36, la comédie de la
non-intervention a fait le jeu des États fascistes ; en septembre 38, la
capitulation de Munich ne livre pas seulement la Tchécoslovaquie à
Hitler ; elle ruine définitivement le dernier espoir de la démocratie
espagnole : « Cette aube de paix sonne le glas de la tyrannie rouge.
L’effort de nos armées aboutira bientôt à la paix victorieuse » [494] .
A partir de ce moment, en effet, les grandes puissances
auront pour première préoccupation de liquider la guerre espagnole. Les
vainqueurs de Munich se sont aperçus qu’en cas de conflit généralisé, l’Espagne
nationaliste ne serait pour eux qu’un boulet, si la guerre civile se
poursuivait. Les Occidentaux n’ont pas été trop mécontents de l’attitude de
Franco au moment de la crise de Munich. La Russie abandonne définitivement la
partie. La France elle-même, rassurée par la prise de position du Caudillo,
songe à établir des relations diplomatiques avec les nationalistes. Au début
39, Léon Bérard est chargé de négocier une reconnaissance de facto du
gouvernement de Burgos. Malgré sa sympathie connue pour les nationalistes, il
se heurte à une mauvaise volonté évidente ; Franco exige une
reconnaissance de jure, demande aux Français de lui livrer les biens
espagnols en France, le matériel de guerre, l’or de la banque d’Espagne, etc.
Sur le moment, les négociations sont suspendues ; à la
fin de la guerre civile, la mission Pétain renouera pourtant des relations d’apparence
cordiale, et toutes les demandes du gouvernement franquiste seront finalement
acceptées.
Dès octobre 38, la seule question qui se pose est de savoir
comment la victoire de Franco sera définitivement assurée. Stôhrer expose
comment « une intervention des puissances » pourrait amener « les
éléments modérés des Rouges à déposer les armes » [495] , ce qui semble
annoncer à quelques mois de distance l’action de la junte Casado, qui liquidera
les positions républicaines.
Le projet Stôhrer exclut des négociations les communistes et
semble exclure Negrín. Celui-ci pourtant ne ferme pas la porte à une solution
pacifique du conflit. Dans un discours en treize points, il énonce les
conditions posées pour la réalisation d’un compromis entre les deux partis. Le
1 er octobre 38, dans un discours aux Cortes, il accepte le principe
d’une médiation. Quelques jours plus tard, il admet qu’un plébiscite pourrait
être une solution. Mais pourra-t-on vraiment trouver « un compromis
acceptable pour tous les Espagnols » ? Le seul mot de médiation ou de
compromis provoque chez nombre de dirigeants en Espagne nationaliste une
réaction violente. Franco, chaque fois qu’il prend la parole à ce sujet, a été
formel : il n’est pas question d’obtenir autre chose qu’une capitulation.
Et le Diario Vasco de Saint-Sébastien a cette formule imagée, mais qui
expose bien la pensée franquiste : « Nous ne voulons pas la trêve du
diable, nous voulons la paix de la Conquête » [496] .
La bataille de l’Ebre et la
campagne de Catalogne
L’offensive, nécessité politique
L’abandon définitif de la République a coïncidé avec la
chute du second gouvernement Blum ; à cette date, la victoire des
nationalistes en Aragon, la Catalogne coupée de la République, donnent l’impression
qu’un effondrement peut se produire d’un moment à l’autre, faisant éclater le
front républicain. Sans doute l’offensive en direction de Valence s’est-elle
ralentie sur les lignes de Viver ; mais il faut toujours compter, après un
gros, effort militaire, sur une période de regroupement et de réadaptation. Du
reste, les attaques contre Viver n’ont pas cessé jusqu’au 23 juillet, tenant en
haleine les troupes gouvernementales fatiguées, moralement affaiblies par la
retraite et par la certitude de se battre désormais sur leur dernière ligne de
défense. La coupure avec la Catalogne interdit d’amener dans le secteur
Centre-Sud toute aide matérielle venant de la frontière française :
laisser s’engager le combat dans ces conditions peut être désastreux.
C’est alors que, pour sauver Valence,
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