La Révolution et la Guerre d’Espagne
pour, tenter dans un
ultime effort de regrouper les forces républicaines, l’état-major
gouvernemental tente de reprendre l’initiative. C’est l’offensive de l’Ebre,
dont le déclenchement surprendra non seulement les Espagnols, mais aussi les
puissances étrangères, qui n’escomptent plus guère une action républicaine de
grande envergure.
Rojo constate qu’il est devenu « nécessaire de réaliser
un effort gigantesque aussi bien sur le plan militaire que sur le plan
international ». Depuis le début de l’année 38, la tension a de nouveau
augmenté entre les puissances occidentales et l’Allemagne. Première annexion
caractérisée de l’hitlérisme, l’Anschluss annonce d’autres prétentions. La
guerre européenne se prépare en Europe centrale. Du même coup, le gouvernement
Negrín entrevoit une nouvelle fois la possibilité d’internationaliser le
conflit. Encore faut-il prouver à l’Europe et au monde que les revers subis n’ont
pas ébranlé la volonté de lutte des républicains, que le moral des troupes et
de la population est toujours solide, bref que le mouvement qui a soulevé le
peuple espagnol en 36 a su résister au temps et aux épreuves de la guerre.
Peut-être Negrín songe-t-il aussi à prouver que l’issue du conflit est encore
lointaine et que les adversaires doivent accepter un compromis. L’offensive de
l’Ebre est donc une opération politique autant que militaire.
Mais pourquoi avoir choisi le secteur de l’Ebre, qui,
nécessitant la traversée du fleuve en un endroit difficile, présente un danger
supplémentaire ? Pour sauver Valence, il n’y a en réalité que deux
moyens : ou bien une contre-attaque directe au nord de Sagonte, permettant
de reprendre une partie du terrain perdu au cours des mois précédents et de
dégager la capitale du Levant (mais cette opération serait sérieusement
compromise au départ par la fatigue des troupes engagées, le manque de
réserves, les ponctions importantes déjà opérées sur les fronts de Madrid, d’Estrémadure
et d’Andalousie) ; ou bien une action d’envergure dans un autre secteur
essentiel, empêchant la reprise de l’offensive nationaliste sur Valence.
Obliger les franquistes à se détourner du Levant vers la Catalogne, tel est le
premier objectif que se propose l’état-major républicain.
Les forces qui vont participer à l’attaque ont été
regroupées dans la zone Nord ; elles sont encore solides, admirablement
préparées à l’action de surprise qu’il faudra mener d’abord pour traverser le
fleuve. Certains problèmes sont évidemment difficiles à résoudre ;
notamment la nécessité de faire passer l’Ebre au matériel lourd pour atteindre
le second objectif, une rupture du front nationaliste permettant la reconquête
d’une partie de la côte de la Méditerranée : seule en effet une réussite
totale pourra convaincre que l’armée républicaine est encore capable de
vaincre. Mais si l’opération avorte au départ, cet échec risque de tourner au
désastre. L’état-major a certainement pris un risque, mais c’est un risque
calculé. Il n’est plus possible en effet de rester passif : une victoire
complète est impensable, étant donné le rapport des forces, mais un succès
local est nécessaire, et possible.
Le passage de l’Ebre
Le point où doit se déclencher l’offensive a été fixé dès le
mois de juin. Le général Rojo indique à ce sujet que les ambitions d’abord
vastes de l’état-major ont fini par se borner à l’objectif suivant :
forcer le passage de l’Ebre de part et d’autre de la boucle, occuper les
hauteurs au sud et pousser en profondeur.
A cette action principale, mais de portée limitée, s’adjoindront
deux opérations complémentaires, l’une vers l’ouest sur l’axe Fayon-Mequinenza,
destinée à couper les communications des troupes franquistes et à entraver l’arrivée
des renforts, l’autre vers la côte, qui ne représenterait qu’une diversion.
Dans l’ensemble, les ambitions gouvernementales se révèlent assez modestes,
bien que les forces mises en action soient importantes : l’armée de l’Ebre,
renforcée par un certain nombre de divisions prises sur l’armée de l’Est [497] . Mais les délais
nécessaires à la concentration des hommes et de l’armement, au rassemblement
des barques qui doivent permettre les premiers passages, à l’arrivée des
éléments de ponts qui vont être lancés par-dessus le
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