La Révolution et la Guerre d’Espagne
fleuve, obligent à
retarder le début de l’offensive. Tout cela va traîner une cinquantaine de
jours. Malgré tout, l’effet de surprise obtenu sera à peu près total.
Dans la nuit du 24 au 25 juillet, les barques sont
discrètement mises en place. L’attaque par petits groupes d’assaut chargés d’une
mission de « commando » correspond à la fois aux moyens et à la
meilleure utilisation des combattants républicains. Le succès en est à peu près
complet, bien que les services techniques se révèlent, comme presque toujours
dans l’armée républicaine, insuffisants ; c’est ainsi que les
transmissions entre l’état-major, installé seulement à quelques kilomètres du
fleuve, et le 5 e corps, sont coupées dans les premières heures de l’attaque.
Les nouvelles de l’attaque, au cours de la nuit même, sont
bonnes : des têtes de pont ont pu être établies ; les passerelles et
les ponts vont pouvoir être mis en place et le passage du fleuve commence, dès l’aube,
en deux points. Poussant d’un côté vers Villalba, de l’autre vers Gandesa et
Corbera, les deux branches de l’offensive républicaine tendent à se refermer
sur une poche occupant le fond de la boucle et dont le centre est Mora deI
Ebro. Dès le 26, Corbera est occupée et les abords de Villalba et de Gandesa
sont atteints. La poche de Mora del Ebro est nettoyée en quelques jours. La
tête de pont de la boucle de l’Ebre a alors une vingtaine de kilomètres de
profondeur et une trentaine de largeur. Au nord, le passage de la 42 e division a permis d’établir entre Fayon et Mequmenza une tête de pont
secondaire, qui gêne l’arrivée des renforts franquistes. Au total, 50 000
hommes ont passé l’Ebre, malgré la réaction immédiate et violente de l’aviation
nationaliste.
l’offensive républicaine sur l’Ebre (juillet – août 38)
Mais, une fois de plus, l’avantage obtenu est limité, car il
ne peut être question à aucun moment d’exploiter ce succès : la
concentration de troupes reste insuffisante, les réserves manquent ; après
cinq jours de combats difficiles, les hommes engagés dans la bataille sont
fatigués. En dépit d’efforts continus, ni Villalba ni Gandesa n’ont pu être
occupés. Les nationalistes, repliés sur les villages, ont tenu bon. Dès qu’ils
se sont trouvés devant une grande concentration de feu, les républicains ont
été contraints d’arrêter leurs attaques. Dans les premières heures du combat,
le matériel lourd a manqué, surtout les blindés. Lorsque les chars de 24 tonnes
ont pu passer, les secours nationalistes avaient eu le temps d’arriver.
Dès le 25, la supériorité aérienne des nationalistes devient
évidente. Bombardements et mitraillades [498] provoquent d’importants dégâts parmi les convois qui traversent l’Ebre. Sans
doute les renforts arrivent-ils toujours, les traversées de nuit n’ayant pu
être efficacement interrompues ; mais les premiers ponts sont détruits à
la fois par l’action des bombardiers et par l’ouverture des digues qui
retiennent les eaux des affluents pyrénéens de l’Ebre. La situation des troupes
républicaines de la tête de pont est sans cesse menacée.
La bataille d’usure
A partir du 1 er août, la véritable bataille
commence ; les nationalistes s’entêtent à rejeter leurs adversaires au
delà du fleuve ; les républicains s’acharnent à se maintenir. Les combats
qui s’engagent ainsi vont durer jusqu’au 15 novembre ; les forces
gouvernementales démontrent comme elles l’ont fait à Teruel, qu’elles sont
capables de ténacité dans les circonstances les plus difficiles.
Mais l’armée de l’Ebre doit livrer une bataille d’usure, une
bataille de matériel : quel que soit le courage dont elle fait preuve,
elle ne peut sortir victorieuse d’une semblable confrontation. C’est, dit Rojo,
« la lutte de l’abondance contre la pauvreté ». La prolongation des
combats n’a qu’un sens : donner à l’étranger l’idée qu’il existe encore en
Espagne un équilibre des forces, au moment où éclate en Europe la crise
tchèque.
C’est alors que la réconciliation européenne se produit à,
Munich et que les espoirs d’une intervention étrangère s’évanouissent. Dès ce
moment, la bataille sur l’Ebre est devenue non seulement inutile, mais
dangereuse pour les républicains : « La perte de la Catalogne, écrit
Ulibarri, se décida sur l’Ebre. » Sans doute un
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