La Révolution et la Guerre d’Espagne
mauvaise humeur qui s’expriment
alors contre Suñer, et qui font craindre la renaissance d’une opposition en
zone nationaliste. Pour achever sa victoire, Franco doit absolument s’assurer,
en cas de conflagration européenne, la neutralité des grandes puissances et
spécialement celle de la France.
La neutralité franquiste dans la crise tchèque
Du 18 au 28 septembre, les efforts diplomatiques de l’Espagne
nationaliste tendent à obtenir des puissances occidentales qu’elles acceptent d’abord
de séparer l’affaire espagnole de la guerre européenne menaçante, qu’elles
envisagent ensuite la neutralité du gouvernement nationaliste, ce qui
équivaudrait de leur part à un refus définitif de soutenir la République
espagnole.
Or la position des puissances occidentales est fragile. Leur
front n’est pas uni. Le gouvernement Chamberlain ne se résoudra à la guerre
contre l’Axe qu’à la dernière extrémité. Une aide russe à la Tchécoslovaquie
est problématique. La France serait donc assez isolée en cas de guerre et
obligée de dégarnir ses frontières de l’est pour lancer la double attaque
prévue par la Catalogne et par le Maroc contre l’Espagne nationaliste. L’état-major
français préférerait à coup sûr ne pas avoir à lutter contre un adversaire de
plus. Aussi, lorsque Jordana et Franco s’engagent à respecter la neutralité la
plus stricte en cas de conflit européen, les gouvernements anglais et français
enregistrent-ils avec satisfaction les promesses faites directement par le
Caudillo et transmises à Paris et à Londres par Quinones de Léon et par le duc
d’Albe.
Reste à faire accepter cette proclamation de neutralité par
les puissances centrales, et c’est là le point le plus difficile. La diplomatie
franquiste s’est montrée à ce sujet d’une grande habileté. Elle a d’abord
laissé volontairement paraître sa crainte d’une guerre qui peut lui être
néfaste ; puis, elle a déploré que ses alliés lui laissent ignorer l’évolution
de la situation politique. Sur ce point d’ailleurs Franco n’a pas de mal à
trouver des raisons de se plaindre.
A vrai dire, Franco craint non pas qu’on néglige l’Espagne,
mais qu’on s’en occupe un peu trop au cours de négociations où il ne sera pas
représenté ; il n’est pas impossible que les puissances centrales
abandonnent leur allié espagnol ou que l’Allemagne dispose de ses forces en
Espagne et en Méditerranée pour une action militaire en cas de guerre. L’arrivée
du Deutschland à Vigo, comme la présence des Italiens à Majorque peuvent
légitimement inspirer des craintes à ce sujet. Enfin la crise politique
européenne, en redonnant espoir au camp républicain, peut provoquer en zone
nationaliste des émeutes, voire de véritables révoltes.
Ces craintes permettent de comprendre la prise de position
neutraliste du gouvernement de Burgos. Dès le 26 septembre, les dirigeants
allemands en sont avertis et, le 27, Jordana fait part officiellement de cette
décision aux ambassadeurs d’Allemagne et d’Italie. Sans doute est-il question
de neutralité bienveillante. Mais il n’en reste pas moins que Franco a place
ses alliés devant le fait accompli. Il souhaite être approuvé, mais il ne les
informe qu’une fois sa décision prise.
Comment dans ces conditions, s’étonner de la réaction brutale
de la diplomatie germano-italienne ? Les Italiens surtout montrent de l’humeur ;
leurs dirigeants pensent que les sacrifices faits à la cause nationaliste
doivent être aujourd’hui payés de retour : « Nos morts doivent se
dresser dans leurs tombes », écrit Ciano. Les Allemands se montrent plus
réservés, mais ils n’en sont pas moins choqués de l’empressement mis par les
Espagnols à se déclarer neutres ; ils estiment ce geste pour le moins
prématuré. Italiens et Allemands s’inquiètent en outre du sort réservé en cas
de guerre à leurs troupes combattant en Espagne. Sans doute Jordana, a-t-il
déclaré que ces troupes seraient considérées et traitées comme des soldats
espagnols. Mais peut-on penser que la France en guerre avec l’Allemagne
tolérera la présence dans un pays soi-disant neutre, de soldats ennemis ?
Le réflexe Immédiat de Ciano, lorsqu’il apprend la nouvelle de la neutralité
espagnole, est d’envisager l’évacuation immédiate des troupes Italiennes.
Malgré les précautions prises par le gouvernement nationaliste,
il est évident
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