La Révolution et la Guerre d’Espagne
de non-intervention ; en janvier 38, la Hongrie, l’Autriche et l’Albanie,
futures victimes des ambitions du fascisme, appuient sa position. Onze États
ont alors reconnu le régime du général Franco de facto ou de jure [488] .
Les républicains veulent convaincre les Occidentaux qu’ils
ne représentent pas une force révolutionnaire dangereuse et que la période d’anarchie
est maintenant dépassée. Le gouvernement Negrín symbolise le maintien de l’autorité ;
il n’y a plus d’opposition depuis le départ de Prieto. Negrín lui-même exerce
les responsabilités essentielles dans l’État : il sera non seulement
président du Conseil, mais aussi ministre des Affaires étrangères, de la
Défense nationale et de l’Intérieur. Ses amis ont voulu le comparer à
Clemenceau, et il y a sans doute chez lui la même volonté de s’identifier au
pays en guerre. L’autorité et l’unité nationale sont affirmées aux dépens des
tendances autonomistes basques et catalanes ; en août 38, la démission du
ministre catalan Ayguade et du Basque Irujo, remplacés par Moix Regas, du P. S.
U. C. et par le socialiste Bilbao Hospitalet, signifie bien, malgré les
protestations officielles [489] le renforcement du pouvoir central.
De même, la politique de tolérance religieuse pratiquée par
Negrín est inspirée par le désir de gagner les sympathies du monde occidental.
Irujo, tant qu’il est ministre, combat pour obtenir le libre exercice du
culte ; il a fait admettre assez vite que soit considérée comme un délit
« la dénonciation des prêtres pour le seul fait d’exercer la prêtrise » [490] . Les messes
privées sont autorisées et, le 15 août 37, à Valence, la première messe
officielle est célébrée dans l’immeuble de la Délégation basque. Certes, cela
ne signifie pas que l’Église catholique ait retrouvé ses prérogatives : le
premier enterrement religieux publiquement autorisé est considéré comme une
preuve éclatante de la tolérance du gouvernement. Mais des mesures moins
spectaculaires sont autrement efficaces. Ainsi la décision prise par Negrín d’« excepter
les objets du culte des règles générales de réquisition des métaux
précieux » et surtout les mesures de 38, qui exemptent les prêtres du
service armé pour les verser dans les services de santé et de bienfaisance, et
qui les autorisent à entrer dans les prisons pour y exercer leur ministère,
notamment auprès des condamnés à mort. Toutes ces décisions tendent à rassurer
l’étranger. On peut s’entendre avec un tel régime, l’aider à vaincre ou du
moins à sauver l’essentiel par un compromis honorable.
Aussi la crise tchèque suscite-t-elle un grand espoir chez
les républicains. En cas de conflit, l’Espagne de Franco serait vite dans une
situation militaire intenable. Les nationalistes ne disposent pas de réserves
suffisantes pour tenir un front supplémentaire. D’après l’attaché militaire à
Saint-Sébastien, Von Funck, Franco aurait lui-même déclaré « qu’il n’avait
jamais eu de réserves, et qu’à chaque attaque des Rouges, il fallait arrêter l’offensive
pour faire face » [491] .
Certes les Pyrénées représentent une défense naturelle, mais Franco sait fort bien
qu’elle n’est pas suffisante. Il a envoyé aux deux frontières du Nord et du Sud
des milliers de prisonniers pour préparer des fortifications. D’autre part, son
armée dépend toujours des fournitures en matériel de l’Italie et de l’Allemagne.
L’arrêt des envois de munitions, pendant la durée de la crise tchèque, met déjà
ses troupes dans une situation difficile. Sans aucun doute, en cas de conflit
européen, il faudrait envisager à bref délai l’effondrement de l’Espagne
nationaliste. Cela, même les partisans de Franco le savent, et les Allemands
pensent que le Caudillo serait alors « réduit à se retirer pour confier à
une personnalité plus modérée le soin de procéder à la liquidation de la guerre
civile » [492] .
Franco n’obtient plus de ses alliés ni encouragements, ni
promesses ; il n’est même pas tenu au courant de l’évolution de la
situation politique par le gouvernement allemand. L’inquiétude ne cesse de
grandir à l’état-major nationaliste. « Le quartier-général de Franco est
très déprimé, dit Stöhrer, et cache mal son mécontentement à notre égard » [493] . Il faut
rattacher à ce mécontentement les manifestations de
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