La Révolution et la Guerre d’Espagne
Mais les adversaires ne peuvent supporter indéfiniment une
telle cadence de destruction, presque ininterrompue. Les pertes énormes en
hommes et en matériel aboutissent en définitive à l’épuisement de la masse de
manœuvre républicaine. A la fin du mois d’octobre, les réserves sont devenues
insuffisantes. Du côté nationaliste au contraire, des renforts ont pu être
préparés ; un nouveau corps d’armée est constitué, celui du
Maestrazgo : confié au général Garcia Valino, il comprend cinq divisions.
Le 24 octobre, l’instruction générale 44 adressée aux
nationalistes leur donne l’ordre de « réduire la poche formée sur l’Ebre ».
En fait, l’attaque ne commence vraiment qu’à partir du 1 er novembre.
L’escalade des positions républicaines de la Sierra de Caballs est réussie par
surprise. Du 1 er au 8 novembre, toute la partie sud-est de la tête
de pont jusqu’à Mora del Ebro est occupée. La deuxième phase de l’offensive s’achève
le 15 novembre. Les gouvernementaux ont perdu tout le terrain conquis depuis le
début des combats. Certes, l’armée républicaine a prouvé qu’elle est capable de
se battre et de tenir, en dépit de son infériorité matérielle, mais les pertes
subies, peut-être 100 000 hommes tués, blessés ou prisonniers [500] , l’ont saignée
et ont incontestablement préparé sa défaite.
Sans doute, le front s’est-il stabilisé après le 15
novembre. D’autre part, l’offensive lancée en Estrémadure vers Cabeza del Buey
et Almaden, offensive qui a progressé rapidement pendant le mois d’août, est
finalement enrayée par les républicains, grâce à l’appui des troupes du Levant.
La bataille de l’Ebre, en attirant les meilleures forces nationalistes, a donné
un répit appréciable à la zone centrale ; Miaja en a profité pour
réorganiser ses troupes.
Mais, depuis la victoire aragonaise de Franco, l’Espagne
républicaine est divisée. Les troupes de Catalogne n’ont pas connu de
répit ; elles sont épuisées par les combats qu’elles ont dû soutenir. Il leur
faudrait une longue période d’accalmie et des renforts en armes pour pouvoir
présenter à une vaste offensive nationaliste un front unique et solide, ce qui
ne leur sera pas accordé. La lassitude provoquée par la guerre est de plus en
plus évidente au fur et a mesure des échecs militaires. Les succès remportes
sur 1’Ebre en juillet avalent relevé un moment le moral de l’arrière, Mais,
depuis, le terrain conquis a été repris par les franquistes. L’espoir d’un
appui extérieur a pris fin avec Munich. La thèse de Prieto : « L’Europe
nous a trahis », est admise par beaucoup.
Pour cette Catalogne qui a été le foyer de la révolution
anarchiste et le théâtre des Journées de mai, la « trahison » de l’Europe
apparaît comme la condamnation de la politique de Negrín. La révolution a été
abandonnée et l’Europe mise maintenant sur Franco.
Pour la première fois, en Catalogne, l’arrière va lâcher.
Faire de Barcelone un nouveau Madrid est d’ores et déjà impossible. Les
conditions ne sont plus celles de 1936. La foi non plus.
La Catalogne avant l’attaque
Peut-on dire au moins que le gouvernement a rattrapé en
autorité ce qu’il a perdu en popularité ? Cela même est discutable. Le
parti socialiste est profondément divisé, en dépit de l’apparente
réconciliation entre ses diverses tendances. La poussée communiste a
cristallisé l’hostilité des autres partis contre ce partenaire trop envahissant
L’armée n’a jamais cessé d’être influencée par la politique.
D’autre part, le manque de produits importés, l’arrêt
progressif du commerce, par suite du blocus, du manque d’argent, de la mauvaise
volonté des pays étrangers, paralysent peu à peu la vie en Catalogne. A un
moment où l’industrie de guerre devrait être développée au maximum, la
production se ralentit : il n’y a pas assez de matières premières. La
production agricole est, elle aussi, en régression ; beaucoup de paysans
sont au front, d’autres ne livrent pas leurs produits. Le ravitaillement
devient de plus en plus difficile, Au mois de novembre, devant les difficultés
que laisse présager un troisième hiver de guerre, le gouvernement a créé, sous
la présidence du ministre de la Défense nationale, un « Comité régulateur
du ravitaillement » qui doit coordonner « toutes les activités
touchant à
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