La Révolution et la Guerre d’Espagne
José del Castillo et celui de Calvo Sotelo
constituent l’ultime parade avant le combat. Les adversaires se défient au grand
jour. Antonio Goicoechea déclare sur la tombe de Sotelo : « Nous
jurons de venger ta mort. » Gil Robles, dans un discours aux Cortes d’une
extraordinaire violence, affirme : « Le sang de Sotelo noiera le
gouvernement. » Et, au nom des carlistes et de la Rénovation espagnole,
Suarez de Tangis lit un document qui constitue la déclaration de la guerre
civile : « Depuis le 16 février, nous vivons en pleine anarchie, sous l’empire
d’une subversion monstrueuse de toutes les valeurs morales qui a abouti à mettre
l’autorité et la justice au service de la violence... Ceux qui veulent sauver l’Espagne
et son patrimoine moral comme peuple civilisé nous trouveront les premiers sur
le chemin du devoir et du sacrifice. »
Dans l’atmosphère des mois qui précèdent, un tel flot d’injures
et de menaces ont été proférées qu’il n’est pas difficile aux amis du leader
assassiné de relever dans les discours de ses adversaires des dénonciations et
des attaques qui peuvent être considérées comme des provocations au meurtre.
Ils ne s’en privent pas. Les assassins de Sotelo, les vengeurs de Castillo sont
connus : ce sont les quinze gardes de la patrouille du lieutenant. Il est
évident qu’ils ont agi de leur propre initiative, sans ordre officiel. Mais la
propagande de la droite se déchaîne pour faire retomber la responsabilité
directe de l’assassinat sur le gouvernement républicain contre lequel elle se
prépare à se soulever. La mort de Sotelo fournit un prétexte sacré à un
soulèvement dès longtemps préparé. D’ailleurs, la menace se précisant, la
riposte se dessine aussi. Un peu partout en Espagne, les ouvriers déterrent les
armes cachées depuis 1934, cherchent à s’en procurer de nouvelles. Le
gouvernement déplace quelques généraux, fait accélérer la démobilisation des
recrues, arrête des phalangistes, y compris ceux qu’il venait de libérer.
Prieto, dans El Liberal, tient un langage ferme : « Si la réaction
rêve d’un coup d’État non sanglant, elle se trompe. »
Dans cette atmosphère d’alarmes et d’inquiétudes, le
président du Conseil reste imperturbable. Le 14 juillet, un groupe de députés
basques, parmi lesquels le futur président Aguirre qui a rapporté l’incident,
lui demandent s’il est exact qu’il a fait arrêter Mala, chef des conspirateurs,
connu comme tel. Il s’emporte contre ces rumeurs et affirme : « Mala est
un général loyal à la République » [65] .
Il répond de même par un refus brutal au gouverneur de Huelva qui, ayant les
preuves de l’activité subversive de Queipo de Llano, demande l’autorisation de
l’arrêter. Plusieurs témoins, et parmi eux Prieto, rapportent enfin qu’informé
du soulèvement des militaires au Maroc, il se contente de répondre : « Ils
se soulèvent ? Très bien, alors moi je vais me coucher.»
L’insurrection au Maroc
L’armée, au Maroc, est chez elle, comme elle y a toujours
été. En février déjà, les troupes ici étaient sûres, alors qu’elles hésitaient
dans la péninsule. Les troupes marocaines, les Maures, sont recrutées parmi les
montagnards du Rif. Ce sont des guerriers redoutables, des sauvages qu’aucune
propagande n’a atteint, qui n’aspirent qu’à la lutte et au pillage et l’ont
montré lors de la répression de l’insurrection des Asturies. La Légion est un
corps de mercenaires d’élite, volontaires de tous pays, desperados et
souvent repris de justice, tout prêts aussi à se battre puisque c’est pour cela
qu’on les paie et que c’est cela qu’ils ont choisi. Le mouvement ouvrier existe
certes, et il y a dans les villes de fortes organisations syndicales. Elles
sont sans prise cependant sur une population indigène solidement encadrée, sans
contact surtout avec les soldats de métier Marocains ou étrangers des troupes d’élite
de l’armée du Maroc.
Presque tous les cadres sont dans la conspiration. Les
officiers, dans la rue, se saluent joyeusement au cri de « Café »,
abréviation de leur mot d’ordre : Camaradas, arriba Falange española ! On
se prépare au grand jour – ou presque – à la conquête de la métropole pourrie
que l’on va régénérer par les vertus militaires qui sont l’apanage de toute
armée coloniale. Lors des manœuvres du Llano Amarillo, nous l’avons vu, les
chefs
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