La Révolution et la Guerre d’Espagne
ont fait le point. Tout est prêt pour que l’armée que l’État a eu l’imprudence
d’envoyer lui garder le Maroc, se jette sur la République. Ici, les autorités
civiles sont si faibles devant les chefs militaires que la conspiration ne se
couvre que pour ne pas donner d’indications trop précises à la métropole. Début
juillet, la police a trouvé des stocks d’armes des uniformes et des
proclamations au Casino de Tétouan. L’affaire n’a aucune suite, alors que les
noms des chefs conspirateurs sont sur toutes les lèvres.
Le mouvement part de Melilla, le 17 juillet. A la tête de
ses officiers, le chef désigné, le lieutenant-colonel Segui, obtient le
ralliement des gardes d’assaut, destitue le chef de la garnison. La légion étrangère
donne l’assaut à la Maison du Peuple ou s’étaient réunis les maçons. Ici et là,
des militaires, des ouvriers, tentent de résister. Ils sont abattus. Maître de
la ville en quelques heures, Segui télégraphie l’ordre de se soulever aux
autres garnisons. Les communications sont interrompues avec la métropole. Les
chefs de la Légion, les lieutenants-colonels Yagüe et Tella, les chefs des
troupes maures, les colonels Bautista Sanchez dans le Rif, Saenz de Burruaga à
Tetouan, Mugica à Larache, passent à l’action vers 11 heures du soir, occupent
les points stratégiques, contrôlent la circulation, commencent la chasse à l’homme
dans les quartiers ouvriers. Les aviateurs de Tétouan résistent : vaincus par l’artillerie,
ils seront fusillés « conformément à la loi martiale ». Le Khalife et le Grand
Vizir ont été priés d’approuver l’action des rebelles, qui occupent le
haut-commissariat. Ils l’ont fait. La grève déclenchée par les syndicats est
générale le 18, mais l’armée fournit des « volontaires » indigènes pour la
briser et elle sera de courte durée, après quelques arrestations et
exécutions... A Ceuta où l’insurrection est annoncée par le tocsin, Yagüe est
maître de la ville en deux heures. La résistance héroïque des ouvriers de
Larrache ne dépassera pas vingt-quatre heures. Le 18, l’armée a écrasé toute résistance. Son chef théorique, le général Morato, a appris la nouvelle de
l’insurrection par un coup de téléphone de Madrid... Maintenant, elle attend
son vrai chef : Franco.
Le gouvernement républicain devant le soulèvement
Franco a quitté Las Palmas dans un avion que pilote un
Anglais [66] .
Prudent, il n’arrivera à Tétouan que le 19, après un atterrissage au Maroc
français pour s’informer du déroulement des opérations. Mais en son nom, de
Tétouan, est lancée une proclamation : « L’armée a décidé de rétablir l’ordre
en Espagne... Le général Franco a été placé à la tête du mouvement et il en
appelle au sentiment républicain de tous les Espagnols. » Un avion
gouvernemental a lancé, dans la nuit du 17 au 18, six bombes sur le Q.G. de
Tétouan. La réponse vient, menaçante : « Les représailles que nous exercerons
seront en proportion de la résistance qu’on nous opposera. »
Dans la matinée du 18 juillet, le gouvernement doit admettre
dans une note qu’ « une partie de l’armée s’est soulevée au Maroc ». Il
précise : « Le gouvernement déclare que le mouvement est limité à
certaines zones du Protectorat et que personne, absolument personne, dans la
péninsule, n’a adhéré à une entreprise aussi absurde. » Le même jour l’« entreprise
absurde » s’étend pourtant dans tout le pays : les militaires se soulèvent
à Malaga et à Séville. Mais le gouvernement dément l’information, et, en
réponse aux partis et syndicats, diffuse, à 15 heures, un deuxième communiqué:
« Le gouvernement prend note des offres d’aide qu’il a
reçues, et, tout en s’en montrant reconnaissant, déclare que le meilleur moyen
de l’aider est de garantir le caractère normal de la vie quotidienne pour
donner un haut exemple de sérénité et de confiance dans les moyens de la force
militaire de l’État... Grâce aux mesures préventives prises par le
gouvernement, on peut dire qu’un vaste mouvement anti-républicain a été
étouffé. Il n’a trouvé aucune assistance dans la péninsule et a seulement
réussi à recruter quelques partisans dans une fraction de l’armée. » Après
avoir salué « les forces qui, au Maroc, travaillent à maîtriser le
soulèvement », la note conclut : « L’action du gouvernement sera
suffisante
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