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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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l’armée du Maroc où il est fort populaire et alors que les
conspirateurs, à Madrid, peuvent encore compter sur l’inspecteur général de l’Armée
qui, lui, reste en place ? La nomination de Mola en Navarre loin d’affaiblir l’insurrection,
place un chef dangereux dans l’un des foyers de conspiration les plus actifs.
Et Goded des Baléares, dirigera sans difficulté le soulèvement de Barcelone.
Mieux encore, par une note du 18 mars, le gouvernement couvre les militaires
qui conspirent en protestant contre les rumeurs de coup d’État jugées par lui
injurieuses. Il parle de son « chagrin » devant les « injustes attaques»
lancées contre le corps des officiers, « fidèles serviteurs du pouvoir
constitué et garantie d’obéissance à la volonté populaire », dénonce dans
les campagnes de la presse socialiste, communiste et anarchiste « le désir
criminel et obstiné de miner l’armée ». La timidité des mesures prises
contre les conspirateurs, la volonté avouée du gouvernement de fermer les yeux
n’ont sans doute eu pour résultat que de rallier au coup de force beaucoup d’officiers
hésitants. Le successeur d’Azaña, Casares Quiroga, mérite de passer à l’histoire
pour l’aveugle optimisme dont il fait preuve en refusant de donner créance à
toutes les informations et rumeurs sur le complot des généraux et qui culminera
dans son refus final de croire à la nouvelle du soulèvement alors même que
celui-ci s’est bel et bien produit [61] .
Gasares Quiroga s’obstinera encore alors à compter le général Queipo de Llano
parmi les officiers loyaux sur qui il se repose pour écraser le soulèvement,
alors que ce chef commande au même moment les rebelles de Séville …
    Il y a cependant quelque injustice à dresser contre les
dirigeants républicains des réquisitoires aussi sévères pour leur indulgence à
l’égard du complot des généraux. A l’image des groupes politiques qu’ils
représentent et des forces sociales qu’ils incarnent, Casares Quiroga comme
Azaña hésitent et tergiversent parce qu’ils sont pris entre deux feux. Le
président Azaña avait pu s’écrier en 1933 qu’il préférait perdre le pouvoir
après une lutte loyale que le gagner par quelque artifice. Mais la lutte qui se
déroule dans l’Espagne de 1936 n’est ni la lutte loyale qu’il espérait, ni la
joute parlementaire qui lui est familière. C’est une lutte féroce entre des
classes sociales antagonistes dont il s’efforce vainement d’éviter l’affrontement.
Or, le cadre parlementaire est singulièrement inapte à cette tâche :
quelques mois après leur élection, les Cortes ne sont plus qu’une
représentation infidèle de la nation qui les a élues. Les députés de droite, en
majorité cédistes, représentent des électeurs qui aujourd’hui, pour les plus
actifs d’entre eux au moins, ont rejoint les extrémistes, et dont le porte
parole n’est plus Gil Robles, mais Calvo Sotelo. Quant aux électeurs du Front
populaire, ils constituent désormais, dans leur majorité, une force explosive
que leurs dirigeants ne contrôlent plus. La victoire du Front populaire a été
leur victoire, ils veulent l’aménager, la parfaire, la concrétiser, l’achever
par les méthodes qui sont spontanément les leurs, celles de l’action directe et
de la violence révolutionnaire.
    La révolution ouvrière et paysanne menace la République
parlementaire au même titre que la réaction militaire et fasciste. La lutte
armée entre elles, la guerre civile, marquerait la fin, la faillite de la
politique des Azaña et des Casares Quiroga. C’est pourquoi ils cherchent à l’éviter,
en frappant tour à tour chacun des adversaires, en veillant à ne pas trop
affaiblir l’un pour ne pas se livrer à l’autre.
    Comme au Parlement, le gouvernement louvoie dans le pays,
arrête alternativement des phalangistes, puis des anarchistes, ferme
alternativement les locaux des uns puis des autres, refuse en tout cas de
frapper sérieusement les généraux car il ne pourrait alors éviter d’armer les
ouvriers, refuse non moins énergiquement de frapper sérieusement le mouvement
gréviste et l’agitation ouvrière et paysanne pour ne pas se livrer, du coup, en
otage, aux généraux. Coincé entre des forces hostiles, il ne peut que jouer un
dangereux double jeu : l’arrestation de Primo de Rivera est une concession
à la gauche, mais le leader phalangiste reçoit toutes les visites qu’il

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