La Révolution et la Guerre d’Espagne
pour rétablir l’ordre ». La radio gouvernementale ira même jusqu’à
préciser que l’insurrection a été écrasée à Séville.
Le soir même, le conseil des ministres, auquel participe
Prieto, oppose un nouveau refus à la demande présentée par Largo Caballero au
nom de l’U.G.T., de distribuer des armes aux organisations ouvrières. Un
communiqué commun des partis socialiste et communiste déclare : « Le moment est
difficile, non désespéré. Le gouvernement est sûr de posséder les moyens
suffisants pour écraser cette tentative criminelle. Au cas où ses moyens
seraient insuffisants, la République a la promesse solennelle du Front
populaire. Il est prêt à intervenir dans la lutte à partir du moment où on
réclamera son aide. Le gouvernement commande et le Front populaire obéit. »
Dans la soirée, C.N.T. et U.G.T. lancent l’ordre de grève générale.
A 4 heures du matin, le 19 juillet, au moment où toute l’Espagne se prépare à
combattre, Casares Quiroga remet au président Azaña la démission de son
gouvernement...
Le gouvernement Martinez Barrio
Azaña fait immédiatement appel à Martinez Barrio, président
des Cortes, qui constitue sur-le-champ un gouvernement composé exclusivement de
républicains, mais élargi sur sa droite aux groupes des Républicains nationaux
de Sanchez Roman, restés en dehors du Front populaire. Au ministère de la
Guerre, il appelle un militaire, le général Miaja.
Historiens et commentateurs sont généralement d’accord pour
reconnaître dans ce ministère une dernière tentative pour éviter la guerre
civile en arrivant à un accord au moins avec une partie des généraux rebelles.
Ils le sont moins sur le déroulement des événements et le contenu même des
tentatives de compromis. Salvador de Madariaga dit que Martinez Barrio avait
réservé des portefeuilles aux généraux rebelles. Caballero affirme que Martinez
Barrio lui rapporta une conversation téléphonique avec Mola en personne, dont d’autres
témoins cités par Clara Campoamor ont entendu également parier par Martinez
Barrio. L’historien franquiste Bertran Güell affirme que Mola refusa
péremptoirement de devenir ministre de la Guerre : « Si vous et moi arrivions à
un accord, nous aurions l’un et l’autre trahi notre idéal et nos hommes » [67] . Martinez Barrio
– aujourd’hui président de la République en exil – proteste contre ces versions
et affirme, dans une lettre à Madariaga : « A aucun moment nous n’avons
recherché le concours des rebelles. Nous croyions qu’eux, face à ce changement
de politique, changeraient, à leur tour, d’attitude » [68] .
Que les généraux rebelles aient ou non été pressentis – et
il parait bien qu’ils le furent – l’attitude de certains d’entre eux semble
apporter une confirmation à la thèse et aux espoirs de Martinez Barrio. Mola
lui-même, Aranda à Oviedo, Patxot à Malaga, temporisent, semblent hésiter à
rompre les ponts, pour le cas où Martinez Barrio réussirait et où les concessions
des républicains se préciseraient. Mais l’annonce de la formation du nouveau
gouvernement fait à Madrid même l’effet d’une bombe. Des centaines de milliers
de manifestants se rassemblent sans attendre le mot d’ordre d’aucune
organisation, réclament des armes pour lutter contre les militaires. Salvador
de Madariaga et Borkenau, qui affirme que Caballero menace le gouvernement d’une
insurrection socialiste armée, sont, sur ce point, d’accord avec Martinez
Barrio pour qui son gouvernement « mourut des mains des socialistes de
Caballero et des communistes » [69] .
Caballero, dans ses mémoires, se borne à indiquer que l’U.G.T. pose comme
condition de son appui au nouveau gouvernement l’armement des travailleurs.
Mais Martinez. Barrio, comme Casares Quiroga, refuse ce qui, à ses yeux,
signifierait le début de la révolution ouvrière, la fin de la République
parlementaire. Il démissionne à son tour [70] .
Des personnalités républicaines pressenties, seul le docteur
José Giral, éminent universitaire, ami d’Azaña, accepte de franchir le pas
décisif : son gouvernement décrètera la dissolution de l’armée et la
distribution des armes aux milices ouvrières formées par les partis et les
syndicats. Il signe en même temps ce qui semble être l’arrêt de mort de la «
légalité républicaine », mais qui n’est à cette date qu’une reconnaissance du
fait accompli : c’est
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