La Révolution et la Guerre d’Espagne
de l’armée rebelle dans l’aménagement
de ses conquêtes : les correspondants de guerre ont le droit d’aller au
front, quand les prisons leur sent évidemment interdites. Les soldats maures,
recrutés dans les tribus les plus primitives, ont la bride sur le cou. Ils
violent les femmes, châtrent les hommes, ce qui, aux yeux de Brasillach et
Bardèche, est une « opération d’un genre quasi rituel ». Mais les autres
troupes ne sont pas en reste : les femmes sont les victimes de
prédilection d’un sadisme généralisé ; elles sont non seulement violées,
mais systématiquement humiliées, tondues, peintes au minium, purgées à l’huile
de ricin. Le général Queipo deLlano en est fier. Il déclare à
Radio-Séville, le 23 juillet : « Les femmes des rouges ont appris, elles
aussi, que nos soldats sont de vrais hommes et non des miliciens châtrés ;
donner des coups de pied et braire n’arrivera pas à les sauver » [150] .
La presse internationale fourmille d’exemples donnés par des
correspondants dont la sympathie va pourtant souvent aux rebelles. Bertrand de
Jouvenel raconte dans Paris-Soir du 23 juillet l’exécution des cheminots
qui ont défendu Alfera contre les requetes de la colonne Escamez [151] . L’entrée des
nationalistes à Badajoz s’accompagne d’un véritable carnage. L’envoyé spécial
de Havas câble qu’il y a des cadavres dans la cathédrale, au pied même de l’autel
et que « sur la grand-place gisent les corps des partisans du gouvernement
exécutés en série, alignés devant la cathédrale ». Les correspondants du New
York Herald, du Temps ont décrit cette boucherie, que les officiers
nationalistes tentent de justifier par l’impossibilité ou ils sont de faire
garder les prisonniers. Une colonne de fugitifs est refoulée à la frontière
portugaise, ramenée en ville et massacrée sur place. Le correspondant du Temps parle de 1 200 exécutions, de le trottoirs recouverts de sang dans
lesquels baignent encore des casquettes », ou moment où l’on fusille
encore sur la grand-place. « Rude méthode » reconnaît Brasillach, qui
ajoute que « tout combattant était fusillé parce que, du moment qu’il n’y
avait pas de mobilisation générale, il s’agissait d’un militant » [152] . La terreur est
le moyen de venir à bout de la résistance des masses. C’est bien ainsi que l’entendent
en tout cas les chefs de la rébellion. Le 30 juillet, Franco affirme à un
journaliste du News Chronicle qu’il est prêt, s’il le faut, à
« fusiller la moitié de l’Espagne ». Le 18 août, Queipo de Llano :
« Quatre-vingts pour cent des familles andalouses sont en deuil et nous n’hésiterons
pas à recourir à des mesures plus rigoureuses. » Et le colonel Barato
déclare au correspondant du Toronto Star :« Nous
aurons établi l’ordre quand nous aurons exécuté deux millions de marxistes. »
La fuite massive des paysans devant chaque attaque nationaliste
montre, en tout cas que les chefs militaires ont atteint leur but, et que leurs
troupes inspirent une profonde terreur. Une dépêche de Delaprée décrit cet
« immense exode » des paysans d’Estremadure, « poussant devant eux
leurs cochons et leurs chèvres, les femmes traînant leurs marmots » [153] . Dans cette
foule atterrée pourtant, les hommes, ces « paysans à figure tannée à courte
blouse et à grand chapeau », réclament immédiatement le fusil qu’ils ne
lâcheront plus, ni pour manger, ni pour dormir, et retournent se battre. Car la
terreur est une arme à double tranchant : ils sont des dizaines de
milliers à fuir sur les routes, mais autant d’ouvriers, de paysans, d’intellectuels
qui empoignent une arme pour se battre, n’importe comment, mais se battre. Toutes
les préoccupations et les aspirations antérieures semblent s’effacer devant
cette volonté désespérée de résister, de barrer le passage, de vaincre. A ce
qui leur paraît une machine de guerre supérieurement entraînée et équipée, ils
sont maintenant des milliers qui sont prêts à tout pour opposer une autre
machine, non moins efficace : les mots d’ordre de
« discipline », de « commandement unique » rencontrent de l’écho.
Il faut, à tout prix, se battre et tenir. Il faut, d’abord, et pour ne pas
périr, mettre fin au chaos né de la multiplicité des autorités et des conflits
de pouvoirs instaurer la discipline, bâtir un commandement, adapter les milices
à leur
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