La Révolution et la Guerre d’Espagne
abolissant, en
fait, toute élection, dans le cadre d’un régime qui s’affirmait démocratique [186] .
La réforme judiciaire
Ce sont les mêmes principes qui président à la réforme
judiciaire effectuée à Valence sous la direction de l’anarchiste Garcia Oliver,
à Barcelone sous celle du communiste du P.O.U.M. Andrès Nin. La victoire
révolutionnaire de juillet est consacrée par la loi. Mais les nouvelles
institutions viennent prendre place dans le cadre de l’ancienne légalité et de
l’ancien droit bourgeois réformé. Une amnistie générale efface toutes les
condamnations prononcées avant le 19 juillet et dont certaines pesaient d’ailleurs
encore sur certains dirigeants révolutionnaires. La femme reçoit l’égalité des
droits et notamment la pleine capacité juridique dont elle était jusque-là
privée. Les unions libres des miliciens sont légalisées, les formalités du
mariage simplifiées. La taxe judiciaire est supprimée, la justice devient
gratuite, toutes les procédures sont accélérées. Chaque accusé, devant n’importe
quel tribunal, y compris la Cour suprême, reçoit la liberté d’assurer lui-même
sa défense ou de recourir aux services d’un avocat, professionnel ou non.
Garcia Oliver conserve la structure des Tribunaux populaires créés le 23
juillet par le gouvernement Giral : ils se composent de trois juges, d’un
président et d’un procureur, magistrats de profession et de quatorze jurés
désignés par les organisations syndicales et politiques. Les Tribunaux
populaires de Catalogne, « tribunaux de classe » selon l’expression
de leur créateur Andrès Nin, ne comprennent que deux magistrats, le président
et le procureur. Les juges, ici, sont les huit représentants désignés par les
partis et syndicats. Dans les deux cas, le corps des magistrats, durement
éprouvé par la terreur populaire pendant les journées révolutionnaires, est
sévèrement épuré, puis remis sur pied : ces juges servent désormais la
nouvelle justice en qualité de « techniciens de la justice », assurant la
continuité des formes et du droit.
Un nouvel appareil judiciaire est ainsi mis sur pied, peu
différent de l’ancien, seulement rajeuni, modernisé, ouvert à tous ceux que
cautionnent partis et syndicats de la coalition.
La reconstitution de la police
Le double pouvoir avait, en fait, abouti à multiplier les
organismes de répression : Milices de l’arrière, Patrouilles de contrôle,
Corps d’investigation et de vigilance, coexistaient avec la Sûreté, les
carabiniers, les gardes d’assaut, les gardes civils rebaptisés « gardes
nationaux républicains » et dont le gouvernement Giral avait petit à petit
rassemblé les unités éparses à l’arrière et au front. Le 20 septembre un décret
rassemble toutes ces forces en un corps unique, les « Milices de vigilance de l’arrière »
: la police révolutionnaire est officiellement consacrée et se trouve, du coup,
placée sous l’autorité directe du ministre de l’Intérieur ; le 15 décembre
est organisé le Conseil supérieur de la Sûreté [187] composé de
dirigeants politiques. Le 27, le Conseil national s’élargit à des
techniciens : outre deux représentants de la C.N.T., deux de l’U.G.T., un
de chaque parti, il comprend un chef, un inspecteur et un agent élus par leurs
pairs, et le directeur général, haut fonctionnaire nommé par le ministre, qui
préside. Dans chaque province sont créés, sur le même modèle, des Conseils
régionaux que préside le gouverneur. Ces organismes se transformeront plus vite
encore que les Conseils municipaux: leur structure « fédérale » est
un obstacle à l’efficacité de l’action policière. Les hauts fonctionnaires y
dominent très vite. Largo Caballero doit avoir compris cela quand il fait
nommer directeur de la Sûreté son vieil ami Wenceslao Carrillo [188] .
On assiste parallèlement à la constitution discrète de ce
qui devient un véritable corps de police nouveau. Au moment où le trafic aux
frontières est inexistant, le ministre des Finances, Juan Negrin, renforce en
effet considérablement les carabiniers, peu nombreux avant guerre [189] . Le
correspondant du New York Herald Tribune câble le 28 avril 1937 qu’une «
force de police sûre est en train de se constituer » : on en a
recruté à cette date plus de 40 000, dont la moitié sont équipés et armés.
Dans les premiers temps, la caution d’un parti ou
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